Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/209

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La Duchesse. — Mais tous ceux qui le connaissent vous le diront.

Le Duc. — C’est trop fort !

Les trois Officiers, étonnés. — Oh !

Ils sont tous trois remontés entre la baie gauche et celle du milieu.

La Duchesse. — Comment ne l’avez-vous pas reconnu ?

Le Duc. — Mais parce que… parce que je ne le connais pas ! Mais vous-même, comment ?…

La Duchesse, un peu interloquée. — Moi ?… Mais… n’ai-je pas longtemps vécu à Paris avant de vous épouser ? Et alors souvent, dans le monde…

Le Duc, qui réfléchit depuis un instant sans écouter les explications de la Duchesse. — Constantin Slovitchine en maître d’hôtel ! Pourquoi ?

La Duchesse, avec un geste d’ignorance. — Ah !… çà !

Le, Duc, profond et diplomate, à ses officiers. — Cela doit cacher quelque intrigue ! Quelque manœuvre de notre ambassadeur. Un premier secrétaire d’ambassade en domestique, cela n’est pas naturel. (Redescendant à la Duchesse.) Merci, Duchesse, de m’avoir éclairé. Par Dieu le père ! Je voyais bien qu’il y avait quelque chose. En vous reconnaissant, il s’est troublé !… Ah ! Il n’est pas encore assez diplomate pour m’en remontrer.

1er Officier, au fond, indiquant Arnold qu’on ne voit pas encore. — Le voici, Excellence.

Le Duc, remontant. — Lui ! Attention, messieurs, et de l’empressement !… (Arnold passe au fond, un plateau chargé de verres vides à la main.) Eh ! arrivez donc, cher ami ! (Voyant Arnold qui s’arrête et regarde derrière lui à qui cette interpellation s’adresse.) Arrivez donc !

Arnold, redescendant légèrement. — Plaît-il

Les Officiers, à gauche de la baie saluant militairement. — Lambouskayé Méhano.

Arnold. — Quoi ?

Le Duc, à droite de la baie. — Que faites-vous avec ce plateau ?

Arnold. — Ca ?… C’est des verres pour les sirops.

Le Duc, le faisant descendre, — Vous n’y pensez pas ! Vous, porter de la vaisselle !… Messieurs, je vous en prie, prenez le plateau.

Arnold, défendant le plateau contre les officiers qui s’empressent pour le débarrasser. — Mais non, mais non !…

Les Officiers. — Mais si ! mais si !…

Le plateau reste aux mains d’un des officiers qui le conserve pendant ce qui suit.

Arnold, à part, ahuri. — Ah, çà ! qu’est-ce que ça veut dire ?

Le Duc, indiquant la Duchesse près du bureau. — Vous… connaissez la Duchesse ?

Arnold. — Hein ?… non… oui… Je ne sais pas.

Le Duc. — Ne vous troublez pas. Elle vous connaît.

Arnold. — Ah ? Elle…

La Duchesse, allant au-devant d’un impair possible. — C’est-à-dire, j’ai rencontré quelque fois monsieur dans le monde.

Arnold, ne sachant que répondre. — Ah ! vraiment madame ?… (A part.) Eh bien ! elle en a un toupet !…

Le Duc, avec infiniment de courtoisie. — Et il y a des gens, quand on les a vus une fois !… Mais asseyez-vous donc !… (Aux officiers.) Messieurs, une chaise, je vous en prie. (Les officiers obéissent avec empressement, celui qui