Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/232

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Stanislas. — Oui, oui, oui !

Le Duc. — Tout est très bien.

Stanislas. — Parfait !… Quant à la môme Crevette…

Il se dirige vers la porte dont il tire déjà le tambour.

Le Duc. — N’en ayez point souci, elle monte derrière moi.

Stanislas, ahuri. — Comment ?

Le Duc. — Je dis : elle monte derrière moi.

Stanislas, laissant retomber le tambour. — Comment, elle monte derrière vous ?

Le Duc. — Oui ! comme elle avait une grosse émotion - vous comprenez, son premier roi !… - alors je lui ai dit : prenez donc l’ascenseur avec mes officiers, moi, je vais à pied.

Stanislas, riant sous cape. — Mais voyons, Monseigneur, ce n’est pas possible. (Le Duc le regarde.) Voilà une demi-heure qu’elle est ici.

Le Duc. — Quoi ? quoi, ici ? Qu’est-ce que vous dites ?

Stanislas, même jeu. — Avec moi, parfaitement.

Le Duc. — Allons, Slovitchine, vous battez la breloque, mon ami ! Elle ne peut pas être ici, puisque je l’ai amenée avec… (Sonnerie.) Et la preuve, tenez, la voici !

Il remonte et va ouvrir la porte du salon.

Stanislas. — Ah bien ! ça, par exemple !

Voix d’Arnold, dans le vestibule. — Ah Madame !

Sabine entre en coup de vent suivie des trois officiers.

Scène IV

Les Mêmes, Sabine, Les Officiers

Ceux-ci se rangent au fond droit.

Stanislas. — Ma femme !

Sabine, descendant. — Mon mari !… Très heureuse !

Le Duc, qui est descendu. — Qu’est-ce que vous dites ?

Stanislas. — Toi ! Toi ! Ici ? Qu’est-ce que tu viens faire ?

Sabine. — Ce que vous venez faire vous-même ! Vous venez y retrouver votre maîtresse ; moi, je viens y retrouver mon amant !

Stanislas, bondissant. — Qu’est-ce que tu dis ?

Le Duc, l’attrapant par son bras levé. — Mon Dieu, quoi ? Qu’est-ce que c’est ?…

Stanislas, au Duc se dégageant d’un mouvement brusque. — Ah ! laissez-moi ! (A Sabine.) Ton amant ? Où ? Qui ? Quel amant ?

Sabine, froidement et martelant chaque mot. — Sa Majesté le roi d’Orcanie !

Stanislas. — Le roi d’Orcanie !

Sabine. — Demandez à Son Excellence.

Stanislas, faisant le geste de lever la main sur elle. — Malheureuse !

Le Duc. — Mais alors, ce n’est pas la môme Crevette ?

Stanislas. — Ah ! vous avez fait un joli coup, vous ! (A sa femme.) Allons, voyons, c’est une plaisanterie !

Sabine. — Laissez-moi, monsieur ! Tout est fini entre nous !