Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 9, 1948.djvu/140

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Cartouche. — Eh ! quoi ! se peut-il qu’il y ait tant de progrès dans mon industrie ?

Gabriel. — Mais vous êtes dans l’enfance de l’art ! N’est-ce pas, Capitaine Follentin ?

Follentin. — Dans l’enfance ! Dans l’enfance !

Gabriel. — Ainsi, tenez ! Qu’est-ce que ce trousseau d’objets ridicules et embarrassants que je vois pendu à la ceinture de cet homme ? (Il indique un trousseau de rossignols et de fausses clés à la ceinture du brigand.)

Cartouche. — Mais ce sont mes outils de travail !… Un trousseau de fausses clefs !

Gabriel. — Allons donc !… Est-ce qu’on se sert de cela aujourd’hui !… (À Follentin.) Capitaine !… Montrez votre trousseau !

Follentin. — Mais je n’en ai pas.

Gabriel. — Mais si !… Mais si !… Il n’y a pas à faire de mystère avec le seigneur Cartouche ! Nous savons bien tous où vous avez coutume de cacher votre trousseau !

Follentin. — Moi !…

Gabriel. — Mais oui !… dans la fosse nasale de votre narine gauche.

Follentin. — Dans la…

Gabriel. — Mais oui !… Tenez. !

Il lui prend le nez et en sort tout un trousseau de rossignols et de pince-monseigneur en miniature.

Tous. — Oh !

Cartouche. — C’est admirable !

Follentin, à part. — Comment, j’avais tout ça dans le nez ?…

Cartouche. — Oh ! Messieurs !… Mesdames !… Vous qui vous y connaissez ! Regardez tous ces objets comme c’est fait !… (Il passe le trousseau de clefs à tous les invités.)

Gabriel. — Et grâce à cet attirail !… Voulez-vous voir le butin de sa journée ?

Follentin. — Le butin de ma journée !…

Tous. — Oui, oui ! Le butin !

Il tire des oreilles, des yeux, du gilet de Follentin toute une série d’objets volés : montres, bijoux, portefeuilles. À chaque objet, exclamation d’admiration de l’assistance.

Follentin, à part. — Qu’il est fort, ce Gabriel, qu’il est fort !

Cartouche. — Oh ! Monsieur Follentin !… Je suis vraiment heureux d’avoir fait votre connaissance. Désormais, vous êtes des nôtres. Follentin !… Capitaine Follentin, faites-moi l’honneur de devenir mon associé !

Tous. — Oh !

Follentin. — Mais ce n’est pas possible !… Je ne peux pas !… J’ai ma bande !

Cartouche. — Eh ! bien, elle fusionnera avec la nôtre. Allons, Follentin, mon ami…

Tous. — Follentin !… Voyons ?

Follentin. — Mais…

Gabriel, bas à Follentin. — Acceptez, pour gagner du temps !

Follentin. — Eh ! bien, soit !

Tous. — Vive Follentin !.. Vive notre nouveau chef !

Follentin, protestant, modestement. — Oh ! Co-chef, Messieurs, co-chef !