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Tous. — Vive le co-chef !

Follentin. — Il n’y a pas !… Même dans la bouche de vulgaires fripouilles, une ovation, ça fait plaisir…

Cartouche. — Quant à vous, prince Gabriel de Villemar, de je ne sais pas quoi ! Allez prévenir votre bande que désormais elle est des nôtres !…

Gabriel. — J’y cours, co-chef !… (À part, en sortant.) Je vais quérir la maréchaussée !…


Scène III

Les Mêmes, moins GABRIEL

Cartouche. — Et maintenant, je vais vous faire donner des armes !…

Follentin. — Des armes ?

Cartouche, aux brigands. — Qu’on apporte une paire de pistolets et un fusil à pierre.

Follentin. — À pierre ?

Cartouche. — À pierre !… mais oui, mon cher collègue, et le dernier modèle ! Capitaine Follentin, il est d’usage dans les chasses à courre, quand on a un invité de marque, de lui faire les honneurs du pied. Nous allons vous faire les honneurs du premier voyageur qui passera !…

Follentin. — Comment ça ?

Cartouche. — Vous avez vos armes, vous allez vous mettre là !… (Il indique l’extérieur.) Et maintenant qu’il passe quelqu’un, c’est à vous qu’appartiendra le détroussage d’honneur.

Follentin. — Comment ! Il faut que je détrousse ?

Cartouche. — Eh ! mon Dieu, oui !… J’espère qu’on vous donne là un témoignage…

Follentin, à part. — Dont je me serais bien passé !…

Cartouche. — Allons, bonne chasse, Capitaine ! Ah ! en cas d’alerte, si vous avez besoin qu’on vous prête main-forte, vous n’avez qu’à presser sur ce bouton. (Il indique le rocher extérieur.)

Madame Cartouche. — Maintenant, si vous désirez un verre d’eau, même, ou autre chose, deux coups !…

Follentin. — Merci bien.

Cartouche appuie sur un bouton extérieur, les rochers se referment et l’intérieur de la grotte disparaît.

Follentin, seul au dehors. — C’est gai ! Me voilà chef de brigands, moi !… On a beau dire, ça ne doit pas être rose tous les jours, ce métier-là !… C’est curieux, cette manie des brigands d’aller toujours se fourrer dans des endroits pas sûrs !… Brrrou ! regardez-moi ça !… Ces terrains vagues, c’est le désert !… Où sommes-nous, mon Dieu ?…Qu’est-ce que ça peut être au XXe siècle que ce pays perdu ?

Une voix surnaturelle. — Tu veux le savoir, Follentin ! Eh ! bien, regarde.

La toile du fond se transforme et l’on voit cinématographiquement la place de la Trinité… grouillante de monde et de voitures. Mêler à la foule, autant que possible, des personnages connus.