Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 9, 1948.djvu/142

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Follentin. — La Place de la Trinité !… (L’artiste nomme les personnages au passage. Il passe lui-même.) Tiens, moi !… (La vision disparaît et on voit le premier décor de campagne avec la lune.)

Follentin. — Eh ! bien, non, vrai !… Jamais je n’aurais reconnu ici la Place de la Trinité !… Comme tout change !… Mon Dieu !… Qu’est-ce que je vois là ?… On dirait un homme qui se dirige de ce côté ! (Un homme enveloppé dans un grand manteau passe dans les rochers au-dessus de la grotte.) Quel idiot ! Qu’est-ce qu’il vient faire ? Il y a vraiment des gens qui sont d’une imprudence !… Si je lui faisais comprendre sans en avoir l’air, comme si je me parlais à moi-même !… (Haut.) Hum ! Hum ! Il y a des brigands ici !… Il y a des brigands ! Le premier voyageur qui s’y frotte, on le détrousse !…

L’Homme, descendant en scène. — Ah ! quelqu’un !…

Follentin. — Comment ! Il vient !… Mais est-il bête ! Il est donc sourd !

L’Homme. — Ah ! Dites-moi, l’ami !

Follentin. — Ah ! ma foi, tant pis !… C’est lui qui l’aura voulu… (Terrible.) La bourse ou la vie !…

L’Homme. — Qu’est-ce que c’est ?

Follentin. — Il n’y a pas de « qu’est-ce que c’est » !…La bourse ou la vie !

L’Homme. — Oh ! mais, ma parole, c’est un fusil nouveau modèle que vous avez là, le dernier fusil à pierre !

Follentin. — Hein !… Oui,… bien incommode !

L’Homme. — Oh ! mais c’est curieux !… Voulez-vous me permettre ?…

Follentin, donnant son fusil. — Mais je vous en prie !

L’Homme. — Merci !… Et maintenant, à votre tour ! La bourse ou la vie !

Follentin. — Hein !

L’Homme. — Allons, allons ! Dépêchons !

Follentin. — Oui, monsieur !… Oui, monsieur !…

Il se fouille.

L’Homme. — Vos pistolets d’abord.

Follentin. — Voilà, Monsieur, voilà !…

L’Homme. — Et la bourse maintenant !

Follentin. — Voilà, Monsieur !

L’Homme. — Enfin tous les menus objets que vous pouvez avoir sur vous !

Follentin. — Bien, Monsieur ! (Il donne tout ce qu’il a.)

L’Homme. — Allons, mon ami, je vois que vous êtes encore jeune dans le métier. Et maintenant, annoncez à votre Capitaine Cartouche, son collègue et ami, le Capitaine Mandrin !

Follentin. — Mandrin !… C’est Mandrin !

L’Homme. — Allez !

Follentin. — Oui, Mandrin !… (Il appuie sur le bouton, les rochers se rouvrent et laissent voir l’intérieur de la grotte. Tous les personnages dansent un menuet, accompagnés au clavecin par Madame Mandrin).

Tous. — Qu’est-ce qu’il y a ?

Cartouche. — Comment, vous ?… Eh bien ! et le détroussage ?

Follentin. — Çà y est !… Il m’a pris tout ce que j’avais sur moi.

Cartouche. — Qui ?

Follentin. — Lui !

Cartouche. — Monsieur !

Tous. — Mandrin !