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Scène II

Madame FOLLENTIN, MARTHE — Le Garçon de Recette

Le Garçon de Recette (écrivant la fiche et la donnant). — Voilà, Madame !

Madame Follentin (l’accompagnant). — Merci, Monsieur !

Marthe. — Encore une tuile !

Madame Follentin. — Du tapissier. Ah ! ton père avait bien besoin d’acheter tous ces meubles inutiles.

Marthe. — C’est notre héritage qui lui a tapé sur la cervelle.

Madame Follentin (allant chercher une lampe sur la cheminée, la posant sur la table et l’allumant). — Il aurait bien pu attendre de l’avoir touché avant de l’escompter. Ah ! mon pauvre oncle Vougeard ne se doutait pas qu’en nous laissant sa fortune, il nous mettrait dans un pétrin pareil.

Marthe (fermant les rideaux de la fenêtre). — Crois-tu ! ce sale petit neveu qui vient mettre opposition sur l’héritage ! Lui qui n’a aucun droit !

Madame Follentin. — Tout ça !… du chantage !

Marthe. — Laissons faire Monsieur Gabriel !

Madame Follentin. — Ah ! Gabriel !

Marthe. — C’est lui qui nous tirera du pétrin.

Madame Follentin. — Brave garçon.

Marthe. — Tu parles ! Et c’est cet homme-là que papa a fichu à la porte, parce qu’il a eu le toupet de vouloir briguer ma main.

Madame Follentin. — Qu’est-ce que tu veux ? Ton père trouve que la profession de prestidigitateur…

Marthe. — Eh ! bien, quoi ! il n’y a pas de sots métiers aujourd’hui. Monsieur Robert-Houdin est connu dans le monde entier.

Madame Follentin. — De plus, il n’a pas le sou !

Marthe. — Eh bien ! nous non plus ! Tout le monde ne peut être le fils à Chauchard.

Coup de sonnette.

Scène III

Madame FOLLENTIN, MARTHE, GABRIEL

Madame Follentin. — Qu’est-ce qui sonne ?

Marthe. — Cela ne peut pas être papa. Il a sa clef !

Madame Follentin (allant ouvrir et se trouvant en face de Gabriel). — Vous !

Marthe. — Monsieur Gabriel ! Ah ! que c’est gentil !

Madame Follentin. — Vous êtes fou !… Après la défense de mon mari !… S’il avait été là.

Gabriel. — Je savais qu’il n’y était pas.

Marthe (à part). — Comme il est malin !

Gabriel. — Je n’ai qu’un mot à vous dire.

Marthe. — Oh ! dites-le longtemps !

Madame Follentin. — Marthe ! Voyons ! (À Gabriel) Je vous en prie ! Dépêchez-vous, mon mari peut revenir d’un moment à l’autre.