Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 9, 1948.djvu/72

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Gabriel. — Oui ! Eh bien, voilà !… Pour votre procès, un avocat…

Madame Follentin. — Ah !

Marthe. — Il a trouvé un avocat !

Gabriel. — Un garçon plein de talent ! Il se fait tellement fort de vous faire obtenir votre héritage qu’il ne vous demande aucun honoraire tant que vous n’aurez pas été mis en possession de votre fortune.

Madame Follentin. — Est-il possible !

Marthe. — Hein ! Crois-tu, Maman !

Madame Follentin. — Ah ! Monsieur Gabriel, vous ne pouvez pas me faire un plus beau cadeau pour ma fête.

Gabriel. — Comment ! C’est votre fête ?

Marthe. — Ça l’est !

Gabriel. — Oh ! et moi qui n’ai pas la moindre fleur ! Mais cela ne fait rien, nous ne sommes pas prestidigitateur pour rien. Un prestidigitateur s’en tire toujours avec un chapeau ; vous n’auriez pas un chapeau haut de forme à me prêter ?

Marthe. — En v’là un à papa !

Gabriel. — Vous reconnaissez, madame, que ce chapeau n’est nullement préparé ?

Madame Follentin. — Je le reconnais.

Gabriel. — Vous n’auriez pas, par hasard, dans votre poche un œuf, un peu de sel et un verre d’eau ?

Marthe (prenant les objets indiqués sur la table). — Le sel et le verre d’eau, voilà… Quant à l’œuf !…

Gabriel. — Cela ne fait rien ! nous nous en passerons. Au fond, il est purement décoratif. Je mets ce sel et ce verre d’eau dans ce chapeau.

Madame Follentin. — Mais vous allez l’abîmer ?

Marthe. — Laisse-le faire, maman. Aie la foi !

Gabriel. — Maintenant quelqu’un de l’aimable société pourrait-il me donner une cuillère ?

Madame Follentin. — Voilà !

Gabriel. — Je tourne ! Je bats !… je fouette !… une, deux et trois !… Madame, voulez-vous me permettre de vous offrir ce léger bouquet des champs ?…

Il tire un bouquet du chapeau.

Madame Follentin. — Mais c’est admirable !… Vous êtes sorcier !

Gabriel (bas à Marthe). — Entre nous, je l’avais apporté.

Marthe. — Il est épatant.

On entend un bruit de clef dans la serrure de la porte du fond.

Madame Follentin, sursautant. — Un bruit de clef.

Gabriel. — Qu’est-ce qu’il y a ?

Madame Follentin. — Marthe, c’est ton père.

Marthe. — Papa, vite, cachez-vous !

Gabriel. — Où ça ? Où ça ?

Tout le monde court sur place.

Marthe. — Tenez ! Par là ! dans le bureau de papa ! Il y a une porte qui communique avec l’antichambre !

Gabriel se précipite dans la chambre de gauche.