Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/20

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bande, c’étaient des truites… et je les apercevais à travers cette eau courante, transparente comme du cristal… Une truite plus grosse était au milieu de tout ce frétillon… je me suis dit que c’était la mère… et alors… c’est bête n’est-ce-pas, mais je ne sais pourquoi, je me suis vue dans l’avenir, j’étais la femme de René, et j’avais des bébés blancs et roses, puis soudain l’on m’arrachait l’un d’eux… et alors… oh ! alors j’ai bien vite rejeté son petit à la vieille truite.

Robert. — Oh bien ! si tous les pêcheurs avaient de ces sentimentalités là… Je ne sais pas trop ce que l’on mangerait en carême.

Germaine. — Oui, je te dis, cela n’a pas de raison d’être, et franchement quand on aime la pêche et la chasse on ne s’érige pas en protecteur des animaux. Je me fais l’effet d’un Mandrin doublé d’un Saint Vincent de Paul.

Robert. — je ne connais pas !

Germaine. — Ça ne m’étonne pas !… Dis donc, tu n’as pas vu mon cousin, ce matin ?

Robert. — Monsieur René, justement je l’attends en ce moment : c est pourquoi je suis dans ce salon… il a quelque chose de particulier à me dire…

Germaine. — De particulier… Oh ! oh ! du mystère… C’est à dire qu’il faut que je te laisse !… Oh ! c’est bien, c’est bien, je m’en vais.

Robert. — Mais mademoiselle…

Germaine. — Oh ! non, non, non, je m’en vais… Quelque chose de particulier ! voyez vous ça ! (avec importance.) Ah ça ! est-ce qu’il aurait commis l’impardonnable oubli de te demander ton consentement à notre mariage… Oh ! en ce cas ne sois pas cruel ! (riant) Allons, allons ! puisque je suis de trop, je me retire. (Elle se sauve en courant.)


Scène II

Robert, puis René

Robert. — La chère petite… est-elle gentille… je la considère comme mon enfant. Une enfant que j’appelle