Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/21

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mademoiselle, voilà tout… (Il se promène de long en large puis, après un moment.) Non, mais qu’est-ce que Monsieur René peut avoir à me dire… il avait un air grave, lui si gai d’habitude !… Ah ! ma pauvre défunte disait toujours : "Mon Robert, n’est pas un nigaud, il y voit clair, avec ses petits yeux en vrille ! Eh bien ! je suis sûr qu’il se passe ici quelque chose… Voilà deux jours qu’il est préoccupé, mon maître ; il s’enferme, et travaille sans cesse, il écrit, et madame elle-même a l’air tout soucieux. Ah ! non, ça n’est pas naturel !

René, arrivant avec des papiers. — Ah ! te voilà ! tu m’attendais !

Robert. — je ne fais que d’arriver, monsieur René.

René. — C’est bien ! Robert, j’ai une confidence à te faire.

Robert. — A moi !

René. — A toi ! Mais tu me jures de me garder le plus grand secret ! donne-moi, ta main, tu m’aimes bien, n’est-ce pas ?

Robert. — Si je vous aime, mon cher maître ! Ah ! Dieu du ciel ! vous que j’ai élevé, vous que j’ai fait sauter sur mes genoux !

René. — Robert, je vais me battre.

Robert. — Vous ?…

René. — Moi !

Robert. — Avec de vraies armes !

René. — Avec de vraies ! Tu comprends que tout le monde l’ignore ici, et que personne ne doit le savoir ; dans un quart d’heure mes témoins seront là… tu les feras entrer dans mon cabinet, sans qu’on les remarque et aussitôt, tu viendras me prévenir ! Est-ce dit ?

Robert. — Mais !…

René. — Est-ce dit ?…

Robert. — C’est bien, monsieur René, mais…

René. — Oh ! Il n’y a pas de mais… Tu prépareras mes armes, les fleurets qui sont dans ma chambre.

Robert. — Les pointus ?

René. — Dame !

Robert. — Oh ! ils sont si piquants !

René, souriant. — Ah ! bon Robert, va ! (Il lui serre la main.)

Robert, brusquement. — Eh bien ! non, ce combat n’aura pas lieu. je ne veux pas que vous vous battiez, moi… laissez-moi aller le trouver, votre adversaire ! Je lui