Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/45

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vous qui êtes pour Madame Marie. Madame m’a dit de vous remettre ça." Moi ! j’ai fait : "jamais de la vie : ça n’est pas moi, la citoyenne ne me connaît pas ! " Il m’a répondu : "oh ! ça ne fait rien ! Madame Marie ne connaît jamais les gens qu’elle attend…" Eh bien ! j’ai été obligé de me fendre parce qu’il m’a menacé de dire à la citoyenne que j’avais refusé de payer, et que je verrais alors comme je serais reçu… Moi, vous comprenez, j’ai préféré m’exécuter ! Dans ce cas-là, c’est de la diplomatie… c’est égal ! 95 francs de pommade et de frisons, c’est salé !

Salmèque (apercevant Farlane.) - Hein ! qui c’est, ça…

Farlane (apercevant Salmèque.) - Un homme, ah ! mon Dieu… c’est encore un coiffeur !

Salmèque. — Pardon, qui êtes-vous ?

Farlane. — J’allais vous le demander.

Salmèque (à part.) - Ce doit être le domestique… il va me renseigner… (haut) la citoyenne Marie ?

Farlane. — Qu’ai-je entendu ! est-ce possible… La citoyenne Marie… Quoi ! la voilà… C’est elle, c’est elle même, la citoyenne Marie !

Salmèque. — Vous dites…

Farlane. — Oui ! la voilà… C’est elle, c’est elle-même… La citoyenne Marie !

Salmèque. — Hein ! qu’est-ce qu’il dit… qu’est-ce qu’elle dit ? Lui : c’est elle, vous c’est vous !

Farlane. — Hein ?

Salmèque. — Je dis : vous ! c’est vous !

Farlane. — Naturellement, moi c’est moi !

Salmèque. — Oh ! Dieu ! La citoyenne… c’est ça la citoyenne… et en travesti… comme ça, on se connaît tout de même…

Farlane. — Oh ! je n’en reviens pas… c’est bien elle et en tenue de réunion publique encore !

Salmèque (très ému.) - Ah ! Citoyenne !

Farlane (à part.) - "Citoyeng ! " Pourquoi m’appelle t’elle "citoyeng" ? Ah ! l’accent de la Cannebière… attends ! je vais t’en donner, moi aussi, ça la flattera !

(Haut et saluant) ah ! Citoyeng ! et ça va bieng, citoyeng ?

Salmèque. — Pristi ! elle a un fort accent flamand (haut) mais très bieng, à cette heure pour une fois,