Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/69

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fidèles, je vous en remercie… mais je vous l’ai dit, vous avez un rival en monsieur Tristan… lui aussi, il m’aime, lui aussi compte m’épouser. D’un moment à l’autre, il peut venir me faire sa demande… n’ayant de préférence ni pour l’un ni pour l’autre j’aurais consenti à devenir sa femme, mais vous l’avez devancé, voici ma main… Dès à présent, Roger, vous êtes le maître ici…

Roger. la prend dans ses bras et l’embrasse

Ma femme !

Cora Monsieur, vous vous oubliez !

Roger. tendrement

Oui, je m’oublie… dans les bras de ma femme !

Cora Allons, finissez ! vous voyez bien que vous chiffonnez mon amazone… Tenez, vous n’êtes pas raisonnable, je vous quitte… je vais me faire belle pour plaire à mon mari… Lorsque monsieur Tristan viendra, ce sera vous qui le recevrez, n’est-ce pas, vous lui ferez connaître ma décision, mais je vous en prie, faites-le avec ménagement… ne lui apprenez pas cela trop brusquement… Allons, au revoir Roger… à tout-à-l’heure. (à part) Ah ! madame de Géran, l’on n’épouse pas des femmes comme moi !… (Elle sort.)



Scène II

Roger, seul|c}}

Eh bien, c’est fait, il n’y a plus à y revenir… c’est elle qui sera ma femme… cela va me brouiller avec toute ma famille, mais, ma foi, tant pis, je ne vois pas pourquoi je contraindrais mon inclination, parce que mes parents… après tout, elle est charmante… On voit bien qu’ils ne la connaissent pas… parce qu’elle est un peu excentrique, ils se figurent tout de suite que j’épouse une déclassée… allons donc, elle, une… oh ! non, c’est impossible… Elle est bien un peu… un peu comme ça… oui, mais voilà tout… ça ne va pas plus loin… sous ces allures cavalières, sous ce dehors un peu masculin se cache une âme vraiment honnête… Et, avec cela, quelle noblesse de sentiments, quelle dignité…