Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/73

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vu jouer Les Brigands ? L’opérette de Meilhac et Halévy…

Tristan, bourru. — Oui, je l’ai vue, après ?

Roger, même jeu. — Vraiment ! Eh bien, que pensez-vous de la chanson des carabiniers ?

Tristan, même jeu. — Monsieur… je…

Roger, en appuyant sur les mots. — Ne trouvez-vous pas comme moi que sous ce dehors bouffon, elle contient une épigramme très fine qui pourrait s’appliquer à bien des gens… méditez les derniers vers, cher monsieur ! (chantant.)

Et par un malheureux hasard.

Nous arrivons toujours trop tard.

Tristan, éclatant. — Monsieur je suis patient mais je vous avertis que cette plaisanterie commence à me lasser… Domestique, je vous ordonne de m’annoncer.

Roger. — Et moi je vous le défends !

Tristan, moqueur. — Vraiment monsieur, et de quel droit s’il vous plaît ?

Roger. — De quel droit ?… Depuis aujourd’hui, monsieur, je suis le maître ici !

Tristan, stupéfait. — Hein !

(Le domestique sort)

Roger. — Oui ! Voilà ce que cherchais à vous faire comprendre tout à l’heure. Vous avouerez du moins, monsieur, que j’y apportais tous les ménagements désirables, mais au lieu de me savoir gré, des détours et des circonlocutions dont j’usais pour amortir un peu le coup que ne manquerait pas de vous donner une nouvelle si inattendue, vous avez pris la mouche… il a donc fallu vous faire connaître la vérité d’une façon plus brutale… Croyez bien, cher monsieur, que je suis désolé…

Tristan, furieux. — Savez-vous bien, monsieur, que ce que vous faites la est une indignité…

Roger, s’emportant. — Monsieur !

Tristan. — Savez-vous bien que la Comtesse a sept millions monsieur ?

Roger, plus calme. — Vraiment, je l’ignorais… mais alors je regrette d’autant plus de vous faire manquer un si beau mariage d’amour.

Tristan. — Vous raillez, je crois…,

Roger, moqueur. — Moi ! Oh ! mais au contraire, je vous plains du fond du coeur… mon cher baron… car enfin