Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Roger. — Vous dites ?…

Tristan. — Je dis : « Jamais ! »

Roger. — Vous en doutez ? vous allez voir. (Il sonne.)

Tristan, à part. Eh ! bien, que fait-il ?

Joseph, entrant. Monsieur a sonné ?

Roger. — Oui… Apportez les pistolets dans ce salon… (Joseph obéit.) Bien !… Maintenant allumez cette bougie !

Joseph, étonné. — Monsieur !…

Roger. — Je vous dis d’allumer cette bougie. (Joseph obéit.)

Tristan, à part. — Ah çà ! où veut-il en venir ?

Roger. — Posez-la là, sur cette cheminée… Très bien… et maintenant laissez-nous… (Joseph sort.) (à Tristan.) Lorsque tout à l’heure j’ai eu l’honneur de vous dire que je ne manquais jamais mon but, vous avez laissé échapper un sourire incrédule… Or, monsieur, je tiens à ce que vous sachiez que je ne suis pas un Gascon, moi ! Je suis Corse et voici un petit jeu d’adresse en usage dans mon pays, petit jeu dont vous me direz des nouvelles. Vous voyez cette bougie, regardez… Une… deux… trois… (Il tire et éteint la bougie.) Voilà. (Très courtois) A bon entendeur, salut !

Tristan. — Hein !

Roger. — Maintenant, monsieur, j’attends vos témoins.

Tristan, furieux. — Mais… c’est un assassinat !

Roger. — Que voulez-vous… c’est votre faute… c’est vous qui m’avez provoqué !… Dieu sait si je n’en avais pas l’intention… Mais… maintenant que le mal est fait, il faut nous battre, à moins cependant que vous ne préfériez me faire des excuses bien plates.

Tristan. — Des excuses, moi… un officier de Chasseurs d’Afrique !… Jamais !

Roger. — Dans ce cas monsieur, je suis désolé, mais…

Tristan. — C’est bien, monsieur, nous nous battrons. (Saluant) Monsieur !…

Roger, saluant. — Monsieur…

Tristan, à part. — Décidément j’ai eu tort de le provoquer… J’ai envie d’aller prévenir la police…