Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

efforts pour vous empêcher de faire une folie ont été vains jusqu’à présent, j’espère du moins que ce dernier coup fera son effet. Voyant votre assiduité pour la comtesse et prévoyant le dénouement inévitable d’un tel amour, j’ai écrit en Amérique pour avoir des informations sur elle. Ah ! j’en ai appris de belles sur celle dont vous voulez faire votre femme ! Sachez que cet enfant qu’elle fait passer pour son neveu n’est autre chose que le fruit d’un amour illicite…" (Parlé.) Est-il possible ! (à Cora) Ah ! madame…

Cora. — Qu’avez-vous ?

Roger. — Je dis, madame, que c’est une indignité ! m’avoir trompé de la sorte !

Cora. — Comment cela ?

Roger. — Lisez-ceci !

Cora, après avoir lu. — Ciel !

Roger, avec indignation. — Ainsi tout cela est vrai…

Et vous ne rougissiez pas tout à l’heure en m’accordant cette main qu’un autre avait flétrie, en abandonnant à mes caresses ce corps qu’un autre avait pressé avant moi… Quoi ! tandis que je vous sacrifiais naïvement les affections les plus chères, tandis que je vous apportais tout !… mon amour, mon bonheur, ma vie, vous ne me donniez en échange que la honte et le déshonneur ! tandis que je vous respectais comme le plus pur des sanctuaires, un autre vous avait profanée, et je n’avais que ses restes ! Ah ! je vous le répète, madame, cette conduite est indigne !

Cora. — Je n’essaierai pas de nier, monsieur ce que mon trouble vous a assez prouvé… Oui ! cet enfant est mon fils… Oui j’ai été séduite !… Trop confiante dans les promesses mensongères, je me suis livrée un jour au plus perfide des amants… Insensée que j’étais, je pense pouvoir croire alors, à la parole d’un homme ! Combien je me trompais ! Une fois son crime accompli, le traître m’abandonna à ma honte et à mon déshonneur ! En vain je le suppliai… en vain je lui rappelai ses promesses, rien ne put l’attendrir !… C’est alors que je compris toute ma folie… Mais il était trop tard ! le mal était fait ! Maintenant, monsieur, vous savez mon secret… J’espérais pouvoir le cacher toute ma vie, vous l’avez découvert… faites-en ce que vous voulez !