Page:Fiel - Armelle devant son vainqueur, paru dans l'Ouest-Éclair du 3 septembre au 10 octobre 1937.djvu/23

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— Pourquoi ? Il y a un commencement à tout.

Il retoucha les fleurs. C’était des soucis aux fins pétales et des bleuets aux délicates ciselures. Il donna du relief aux uns et aux autres et Cécile put se persuader qu’elle venait de cueillir un bouquet frais et qu’elle l’avait posé sur sa toile.

Elle se savait des yeux expressifs et elle coula son regard profond vers le « maître », en murmurant un merci aussi doux que le roucoulement d’une colombe.

Le jeune homme dit froidement :

— Je suis heureux de vous avoir fait plaisir à toutes trois En cultivant quelque peu vos dons naturels, vous parviendrez à un joli travail d’amateur. · Il les flattait, mais elles n’écoutaient pas.

La seule chose qu’elles comprenaient, c’est qu’il les unissait dans son esprit et ne les séparait pas.

Or, chacune eût aimé à être distinguée par lui. Elles restaient solidaires, en surface, mais en secret elles eussent été charmées de se savoir l’élue.

Le peintre ne se doutait pas de ces ambitions.

Il avait repris sa tâche et, sans un mot, il la poursuivait il ne prêtait plus d’attention aux jeunes filles qui semblaient inexistantes pour lui.

La veille, elles l’eussent peut-être intéressé, mais il ne pensait plus qu’à l’expression mélancolique de celle qu’il avait entrevue.

Cette hantise s’accompagnait d’un malaise. Il regrettait qu’elle n’eût pas montré son cœur.

C’était une tache dans sa beauté.

Il pensait : je veux la revoir… je veux déchiffrer cette énigme.

Il n’entendait rien autour de lui. Il