Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/23

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— Tu devines sans doute que Gérard va être en cause et je te supplie de rester calme…

La jeune fille ouvrit de grands yeux, et elle s’écria, bouleversée, oubliant la recommandation de son père :

— Il est arrivé malheur à mon fiancé !

Elle chancela et sa mère se rapprocha d’elle.

M.  Laslay poursuivit :

— Il n’est pas atteint physiquement, mais son père lui a annoncé leur ruine totale, et dans ces conditions, il a paru logique à Gérard de te rendre ta liberté…

Denise passa sa main sur son front. Elle était toujours debout, mais sa pâleur s’accentua. Sa mère tendit les bras vers elle.

— Je ne tomberai pas, maman… je suis forte…

Sa voix était altérée. Soudain, elle s’écria :

— Je l’épouserai pauvre !…

Son père et sa mère restèrent silencieux. Ce silence signifiait qu’ils comprenaient et excusaient cette parole sortie du cœur. Mais ils savaient que c’était irréalisable.

Denise sut ainsi que Gérard n’y consentirait pas. Elle reprit d’un accent plus sourd :

— Je me défendais contre ce rêve trop beau… Cependant, j’avais fini par l’accepter simplement, parce qu’il m’était venu simplement. Dieu en a décidé autrement… Mais pourquoi cette épreuve ?… Pourquoi Gérard Manaut est-il entré dans notre demeure ?

Mme  Laslay dit à son tour :

— Ma pauvre petite !… tu dis vrai, ce rêve était trop beau… Je l’ai pensé souvent et je puis dire que je le subissais, ployant le cou, dans l’attente du revers qui surviendrait. Gérard est ruiné !

Mme  Laslay n’avait souffert que pour sa fille, mais maintenant sa pitié allait vers le jeune homme dont elle apprenait le sombre destin.

Elle reprit sur un ton plus bas :

— Je trouvais téméraire de gaspiller l’argent avec tant d’insouciance… L’argent se venge quand il est mal employé.

— Maman, protesta Denise, Gérard est bon… Il voulait nous faire plaisir… Il me gâtait beaucoup parce qu’il savait que nous ne l’avions été, ni les uns, ni les autres… Je lui en étais si reconnaissante… Il aurait voulu alléger tous nos soucis…

Mme  Laslay n’insista pas. Sa fille disait l’exacte vérité, mais son cœur de mère saignait encore de toutes les privations qu’elle s’était imposées toute sa vie pour défendre les siens contre le besoin. Elle seule pouvait connaître les luttes, les prodiges que déchaînait le moindre achat.

Denise demanda :