vait l’image nouvelle de Gérard dans sa condition future.
Elle annonça, presque sans trouble, l’événement à ses frères et sœurs.
Marcel fut atterré. Il aimait beaucoup Gérard et il le plaignit sincèrement :
— Le malheureux !… Quel changement dans sa vie !… Heureux ceux qui ont toujours vécu avec l’idée du travail nécessaire ! Ah ! je ne changerais pas ma place contre la sienne… J’ai toujours eu l’ambition de monter l’échelle degré par degré, mais s’il me fallait la redescendre tout d’un trait, cela me peinerait grandement…
— C’est fréquent, posa Paul avec philosophie… Combien de rois du commerce sont tombés de leur faîte !… Si Gérard est débrouillard, il saura se faire un avenir. Ce n’est pas un mal pour lui… Mais Denise a eu de la chance que son mariage n’ait pas été célébré… Il vaut mieux qu’un homme ait montré ce qu’il vaut, avant de fonder une famille…
Ces paroles si sensées furent fort au goût du professeur et il complimenta son fils sur sa manière de voir.
Denise n’appréciait pas beaucoup les théories de son frère. Elle continuait à trouver que Gérard méritait mieux que cette tristesse, dont la répercussion les atteignait tous, et elle plus que tous.
L’existence reprit son cours normal chez les Laslay. Il semblait que Gérard eût été une parenthèse que l’on venait de fermer. On ne parlait plus de lui à dessein.
Denise, un peu plus silencieuse qu’auparavant, se rapprocha davantage de sa sœur Pauline. Cette dernière, si sereine, si détachée de tout ce qui se passait sur terre, la réconfortait admirablement. Elle savait lui montrer le bon côté des choses et lui apprenait l’art de se cuirasser contre l’adversité.
— Ne l’oublie pas, chacun des malheurs qui s’abattent sur nous a son enseignement… sachons attendre… tu sais que Dieu est bon… Pourquoi ferait-il de la peine à ses créature ?… Il poursuit un but que nous ne distinguons pas tout de suite, mais qui s’éclaire à un moment choisi par lui…
La douleur de Denise s’adoucissait sous ces paroles si sages et elle jugeait le présent moins amer. Elle avait commencé par blasphémer contre la vie si hérissée de calamités, mais elle avait vite délaissé ce thème. Pauline, immédiatement, l’avait arrêtée, en lui rappelant que ce qui formait la « vie » était précisément ce composé d’épreuves.
Denise se rendait aux raisonnements si hauts de sa sœur. Elle admirait cette sage compréhension qui faisait de la jeune fille une passante devant le drame ou parfois la comédie que présentait l’existence.