Mme Ritard la précéda dans une pièce où une table était encombrée de flacons. Des senteurs suaves flottaient dans l’air et la jeune fille les aspira en fermant les yeux de béatitude. Mme Ritard crut à un malaise et dit :
— Quand on n’est pas habitué à ces odeurs, elles vous étouffent un peu, mais je ne les sens plus… D’ailleurs, ce n’est pas souvent qu’elles se répandent ainsi… c’est seulement au moment où je les transvase… Voulez-vous que je donne plus d’air ?
— Oh ! non, madame, cela ne m’incommode pas du tout… j’aime beaucoup les parfums.
Aubrine oubliait pourquoi elle était venue. Elle contemplait l’humble logis, dont elle n’avait jamais vu le semblable, n’étant jamais allée chez les déshérités de la fortune.
Mme Ritard attendait qu’elle parlât. La jeune fille s’en aperçut et elle dit tout en s’asseyant sur une chaise de paille.
— Je suis peut-être indiscrète, madame, mais je viens vous demander si vous ne connaissez pas une couturière ?
Naturellement, Mme Ritard pensa que sa visiteuse s’informait d’une ouvrière en robes pour son propre compte, mais comme cliente. Elle répondit vivement :
— Il y a dans le quartier, au bas de la rue, une couturière qui travaille fort bien. Elle s’appelle Mme Blanche et vous serez contente d’elle.
— Oh ! je n’ai pas besoin de robe, dit franchement Aubrine… C’est pour apprendre à coudre que je cherche une couturière… Je dois gagner ma vie et la couture me plaît.
Elle disait ces choses crânement, comme une femme riche qui serait chez un fournisseur pour lui commander un objet de prix.
Mme Ritard l’observait maintenant avec un peu de surprise. Cela lui paraissait étrange de voir cette jolie jeune fille, habillée avec goût, avouer si simplement qu’elle avait besoin de ses gains. Aubrine reprit :
— Oui, nous habitions la banlieue, mais nous sommes venus ici, car je vis avec mes parents. Là-bas, je surveillais des enfants, mais la couture m’attire et je songe à m’en faire une situation, et, comme je ne sais pas tenir une aiguille, je veux débuter dans un petit atelier.
— C’est bien raisonné.
— Eh ! bien, madame, je vous remercie. Vous me permettrez de venir de temps à autre chez vous, parler un moment ? D’ailleurs, je viendrai vous faire part de l’accueil de Mme Blanche.
Sans attendre la réponse de Mme Ritard, Aubrine la salua comme une mondaine consommée et se dirigea vers le seuil, qu’elle franchit.