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prudence rocaleux

sant et, en second lieu, vous ne mesurez pas votre quantité… Une cuillère à bouche pleine, c’est la mesure pour une tasse…

— Ah ! ben ! ah ! ben ! on apprend à tout âge. Mais pour la mesure, je suis aussi ma­ ligne qu’une cuillère. Je remplis mon mou­lin et le compte y est. Mais que Madame ne se tracasse pas avec la saleté. L’eau bouil­lante le lave vot’ café… et si mes doigts ont touché quéque chose de pas net, il n’y paraît plus quand vous le buvez.

Mme Dilaret se sauva, les mains sur ses oreilles.

Prudence en oublia ses préoccupations pendant quelques minutes et murmura :

— Décidément, les bourgeois n’ont pas la tête solide, y sont dégoûtés de tout, et y faut faire une masse de chichis pour qu’y soient contents. Je me demande un peu ! une cuil­lère ! je n’en sortirai jamais ! Mais c’est pas tout ça, faut pas que je néglige le principal, c’est-à-dire que je vais aller chez M. Rembrecomme pour regarder la tête de mon assas­sin. Faut pas non plus que je passe devant les biscottes sans en acheter. Oh ! ces bis­cottes, ça casse les dents, ça fait des miettes dans l’estomac… autant avaler de la chape­lure, ce serait moins cher.

Tout en monologuant, Prudence se prépa­rait, et elle fut bientôt dehors, son vaste ca­bas au bras.

En route, elle chercha un prétexte à don­ner à « Mamzelle Julie », parce qu’il ne fal­lait pas aller à l’aventure. Elle s’avisa qu’elle pourrait s’enquérir de l’adresse de sa modiste. Ayant adopté cette idée, elle marcha d’un pas plus allègre, et elle arriva, toute sereine, devant l’immeuble.

Elle grimpa l’escalier de service en déplo­rant de ne pouvoir user de l’ascenseur.