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trop belle

Rien qu’à la pensée de revoir l’excellente femme, son allure se modifiait et perdait de sa nonchalance précédente.

Elle savait toujours trouver Madame Bullot dans un salon style ancien. Un épais tapis d’Orient amortissait les pas. Des sièges antiques, des tabourets, des guéridons l’encombraient.

La dame du lieu qui souffrait des crises rhumatismales de temps à autre, occupait souvent une chaise longue près d’une fenêtre donnant sur l’Avenue.

Ne pouvant parfois se servir de ses doigts, elle lisait beaucoup et s’amusait même à hasarder quelques commentaires qu’elle notait tant bien que mal sur des fiches.

Quand Sylviane entra, son visage s’éclaira :

— C’est vous… chérie… soyez la bienvenue… Je pensais à vous… Que vous voici jolie et fraîche !…

Elle disait vrai. Le teint de sa visiteuse était nacré, lumineux et ressemblait à un pétale de rose.

Animée, elle s’inclina vers la vieille dame qui l’embrassa :

— Rien de nouveau ?

— Rien…

— Avec un aspect pareil… vous devriez soulever des événements.

Sylviane rit, déjà détendue.

— Vous me supposez une puissance que je suis loin de posséder…

— Les hommes sont fous… ma parole… Ils s’arrêtent devant votre beauté comme devant un obstacle… sans se demander si vous avez un cœur… et je le connais votre cœur… il existe sincère et aimant… et il est fâcheux qu’il demeure inutile sous prétexte que votre visage est trop beau… et fait peur à ces sauvages sans divination…

Sylviane sourit, mais fut dispensée de répondre par l’entrée d’un troisième personnage inattendu.

Madame Bullot s’écria :

— Luc !… d’où viens-tu… toi ?