— Dix-neuf ans !… il y a donc trois ans que je ne suis allé chez moi… en Anjou… ah ! les études ! … que de temps on perd avec elles… mon vieux !…
— Tu as peut-être aussi un peu voyagé ?
— Ce doit être cela… Dix-neuf ans !… je la croyais encore avec ses poupées… On vieillit tout de même… Il est grand temps que je me marie aussi… N’as-tu pas une sœur… toi ?
— Non… mon pauvre vieux… mais j’ai des cousines qui sont aimables…
— C’est la même chose… on pourra s’arranger… Ah ! cette Ninette ! amoureuse de ce bon Louis !
— Dis donc… tu exagères… elle ne me connaît pas ta sœur !…
— Elle a ta photographie… sois-en certain…
— Tu crois ? je me trouve si mal en photographie…
— Elle aura une surprise agréable en te voyant… Et quand partons-nous ?
— Oh ! mais… j’ai encore quelque chose à régler auparavant… il faut que j’aille à Vichy…
— À Vichy… pourquoi faire ?
— Soigner mon foie…
— Toi ?
— Oh ce n’est rien… sois tranquille… Je suis allé en Macédoine durant la guerre… et cela m’a fatigué… Je ne sens plus rien du tout… mais par mesure de précaution je tiens à prendre les eaux avant de me marier… Il ne s’agit pas d’avoir des enfants qui attraperaient la jaunisse…
— Tiens… tu m’attendris à la pensée que je pourrais être oncle… Mais je suis désolé que Cliquette reste seule.
— Qui cela… Cliquette ?
— C’est ma seconde sœur…
— Qu’à cela ne tienne !… il y a mon frère Ripois…
— C’est vrai !… ah ! on peut dire que nous ne sommes pas égoïstes… on s’occupe de caser la famille… Et tu sais… j’ai une idée excellente…
— Cela ne m’étonne pas… ce vin mousseux en donne…