mère. Sa vie n’était pas bien gaie, mais un bel espoir embellissait ses jours : elle devait se marier avec un ami d’enfance, élève à l’École Centrale.
Il était entendu qu’on tiendrait ces fiançailles secrètes jusqu’au moment où elles seraient officielles, ce qui arriverait l’année suivante.
Sylviane attendit le retour d’Annette chez Madame Bullot et celle-ci lui dit :
— C’est une enfant délicieuse au cœur d’or… et je m’habitue à sa présence… J’avais commencé par trouver ses attentions ennuyeuses… mais à mon âge on doit s’estimer heureuse d’être gâtée par une jeunesse.
— Elle est charmante… répondit Sylviane avec conviction… Tout à coup elle eut peur que Madame Bullot ne voulût faire épouser Luc à cette jeune fille et un grand froid envahit ses membres.
Elle perdit conscience pendant quelques secondes du lieu où elle se trouvait et il fallut que sa vieille amie lui parlât deux fois avant qu’elle reprît entièrement possession de soi.
— Vous êtes pâle… Sylviane…
— J’ai lu… hier soir… et je me suis endormie un peu tard…
— N’êtes-vous pas allée au Casino ?…
— Nous avons assisté à la revue qui s’y donnait…
— Vous avez aussi dansé… j’imagine ?
— Un peu dit Sylviane en rougissant.
— D’après ce que Luc m’avait raconté… j’aurais juré que c’était davantage « qu’un peu »… Il paraît que vous avez enchaîné deux soupirants fidèles…
Sylviane sourit avec contrainte. Elle ne voulait pas avouer combien ces admirateurs lui étaient indifférents ayant déjà trop ouvertement donné son opinion sur Luc. Elle craignait paraître hostile à tous ceux qui l’entouraient.
Annette, en revenant, la tira d’embarras.
Les deux jeunes filles s’en allèrent dans l’après-midi joyeux. Le soleil luisait. Ses rayons s’immobilisaient éclatants, sur les arbres, les fleurs, la terre qui devenait brûlante.