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que la charité bien interprétée, embrasse tout le genre humain.

« Pour peu qu’on songe à la pauvreté des premiers apôtres, on ne sauroit s’imaginer, sans absurdité, que leur divin maître leur ait fait un devoir de l’aumône ; et s’il est impossible de croire qu’il l’ait prescrite à des hommes incapables de l’exercer, encore moins pouvons-nous penser qu’elle soit comprise comme synonyme de charité, par ceux qui ont les moyens de la pratiquer, et qui n’en usent pas.

« Au reste, bien qu’elle me semble fort peu méritoire de sa nature, j’avoue que les bons cœurs y trouveroient un grand plaisir, sans les fâcheuses méprises où elle expose trop souvent. Combien de fois n’arrive-t-il pas qu’on répand ses bienfaits sur des sujets qui en sont indignes ? Vous conviendrez que vous êtes tombé, vous-même, dans cette erreur, en comblant de biens ce vaurien de Partridge. Deux ou trois exemples pareils seroient bien capables de diminuer la satisfaction intérieure qu’un homme compatissant trouveroit autrement dans la générosité. Ils pourroient même enchaîner son penchant à la bienfaisance, par la crainte d’encourir le reproche de soutenir et de favoriser le vice : imprudence que le motif le plus pur ne sauroit excuser, s’il n’est accompagné d’une attention scrupuleuse