encore au lit à dix heures du matin, quand son père revint de chez M. Allworthy. Il monta droit à sa chambre. « Bon ! dit-il en entrant, vous êtes en lieu de sûreté, et vous y resterez. » Il ferma la porte à double tour, et en remit la clef à Honora, qu’il institua geôlière en titre de sa fille, lui promettant une grande récompense si elle exécutoit fidèlement ses ordres, et la menaçant d’un châtiment terrible si elle trahissoit sa confiance.
Honora devoit empêcher Sophie de sortir de sa chambre, sans une permission expresse de l’écuyer, et n’y laisser entrer que lui et sa tante. Du reste, elle pouvoit donner à la prisonnière tout ce qu’elle désireroit, excepté des plumes, de l’encre, et du papier, dont l’usage lui étoit interdit.
À l’heure du dîner, l’écuyer fit dire à sa fille de s’habiller et de descendre. Elle obéit. Le dîner fini, on la reconduisit dans sa chambre.
Honora lui remit le soir la lettre de Jones. Elle la lut deux ou trois fois avec beaucoup d’attention, puis se jeta sur son lit et fondit en larmes. Honora surprise du trouble de sa maîtresse, la pressa vivement de lui en apprendre la cause. Sophie, après un moment de silence se leva tout-à-coup, saisit la main d’Honora, et s’écria : « Je suis perdue !
— À Dieu ne plaise, mademoiselle ! Oh ! que n’ai-je brûlé cette maudite lettre ! Je me figurois