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noms célèbres des frères Limbourg, tend à établir l’origine gueldroise de Malouel et prouve qu’il jouissait d’une réputation considérable. Il avait recueilli la succession de Jean de Beaumetz en 1398, était marié, père de trois enfants, possédait une maison et le droit de sceau. Il mourut avant 1421 et sa veuve fut gratifiée d’une pension importante.

La mémoire du peintre de Monseigneur méritait cet hommage. L’artiste s’était prodigué au service des ducs. Il peignit cinq tableaux d’autel de grandeurs variées pour les chapelles de l’église de Champmol, tailla pour le même édifice des « estampes » dans une table de cuivre, décora le parloir du célèbre monastère, fit « la peinture de certaine hystoire » à l’entrée du cloître. En 1399 il commença la polychromie du Puits des Prophètes et en 1401 s’adjoignit pour cet important travail Herman de Cologne, « peintre et ouvrier de dorer à plat ». Je n’ai plus à revenir sur les merveilles de cet étoffage. La polychromie sculpturale était alors pratiquée par les peintres les plus doués et les plus célèbres, et non point abandonnée comme de nos jours à des barbouilleurs funestes. On trouve encore mention d’autres travaux exécutés par Malouel : des harnais de joute, un triptyque représentant la Vierge et des Saints, un portrait de Jean sans Peur qu’un ambassadeur fut chargé de porter au roi de Portugal (1415). Malheureusement, de ce maître laborieux qui fut décorateur, enlumineur de statues, peintre de retables, portraitiste, artisan et artiste, il ne reste aucune création qu’on puisse lui attribuer avec une certitude absolue.

Le catalogue de l’Exposition des Primitifs français, avec plus ou moins de conviction, classait sous son nom quatre œuvres d’un grand intérêt : Une Vierge et l’Enfant (collection Aynard), une Pietà au musée de Troyes, une autre Pietà et le Martyre et la Dernière Communion de saint Denis, tous deux au musée du Louvre. La Pietà du Louvre est en forme de tondo et représente le Christ mort, Dieu le Père, la Vierge, saint Jean et six anges. Au dos les armes de Bourgogne ; ce fait rend l’attribution très vraisemblable. L’œuvre est infiniment suave et expressive. Les peintres ne pouvaient point s’arrêter à la formule composite du Parement de Narbonne ; ils s’essayèrent à des compositions plus harmonieuses. Cette Pietà le montre (comme aussi d’ailleurs le retable de Broederlam) et les critiques français reconnaissent ici des caractères nouveaux. Nous avons pourtant rencontré le visage de ce Christ, les yeux aux sourcils obliques de cette Vierge et de ces anges, mais non point encore une composition aussi parfaite et un coloris aussi profond. Pourtant l’œuvre est peinte à l’œuf et les chairs laiteuses du Sauveur, le manteau azuré de la Vierge gardent une