Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/132

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un pennon armorié : le merveilleux paysage et le chevalier galopant se reflètent avec une prodigieuse précision dans le miroir de sa cuirasse convexe. C’est là un effet qui n’est pas rare chez les Van Eyck et qu’ils firent adopter par leur école.

D’après M. Durrieu le prince en prières serait Guillaume IV de Bavière, comte de Hainaut et de Hollande. On reconnaîtrait ses armes sur la bannière. La jeune femme entourée de compagnes qui s’incline devant le prince serait sa fille Jacqueline de Bavière. Une vieille chronique raconte que Guillaume IV, à l’issue d’un séjour en Angleterre et sur le point de se réembarquer pour le continent « se mit à genoux et invoqua Notre-Dame de Poke, près de Vere en Zélande, célèbre par ses miracles, faisant vœu de ne plus manger de viande jusqu’à ce qu’il fût venu visiter le sanctuaire de Poke. Aussitôt le vent devint favorable, et, en vingt heures, le comte et ses gens purent arriver en naviguant à voiles, d’Angleterre jusqu’aux côtes de Zélande. La traversée terminée, ils accomplirent dévotement le vœu qu’ils avaient fait. »[1] Nous assisterions dans la miniature au retour du prince. La ville dans le fond avec sa grosse tour serait Vere, la petite cité zélandaise. M. Six croit plutôt que la scène représente Guillaume IV amenant à sa fille Jacqueline son fiancé, le jeune duc de Touraine, pour la célébration du mariage qui eut lieu en 1415, à la Haye.[2]

Quant à l’enlumineur, M. Durrieu sans rien affirmer, incline à voir en Hubert Van Eyck l’auteur de quelques-unes des plus belles pages du célèbre manuscrit : la Vierge entourée des saintes, le Retour du comte Guillaume IV, ainsi que d’autres miniatures, une Pietà, une Oraison à sainte Marthe et saint Julien, une Agonie du Christ au Jardin des Oliviers (fragment de Milan), — trois compositions où, pour notre part nous noterions plutôt de sensibles différences avec le style des Van Eyck.

M. Six de son côté n’hésite point à conclure que Hubert exécuta les Heures de Turin pour Guillaume IV dans les mêmes années où il peignait les parties les plus anciennes du Retable de Gand. Nous nous garderions bien d’exprimer une opinion formelle. L’identité de quelques unes des miniatures et de certaines parties de l’Adoration est évidente. Notre sentiment, nos souvenirs nous disent ensuite que seul le tableau du retour de Guillaume IV est d’une facture comparable à celle du célèbre polyptyque. Et encore, il nous faut remarquer que les peintres de l’Adoration

  1. Chronique de Jean de Leyde citée par M. Durrieu, art. cité pag. 116 et 117.
  2. À propos d’un repentir de Hubert Van Eyck. Gaz. des Beaux-Arts. T. 31. 1 Mars 1904.