Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et remis au jour par M. de Laborde.[1] Le peintre y est traité avec des égards sans précédent ; on indique le chiffre de ces honoraires — cent livres par an, — comment ils seront délivrés moitié à la Noël, moitié à la St. Jean, quelles seront les prérogatives du peintre et comment on les fera respecter. Philippe le Bon a soin de faire noter qu’il connaissait mieux que de réputation « l’abilité » et la « souffisance » de l’artiste, ce qui n’est vraiment pas ordinaire dans un document officiel. Jean Van Eyck était illustre à ce moment ; nul n’en peut douter. L’affection de Philippe pour son peintre ne fera que grandir ; il en fait tout de suite son ambassadeur et au bout de très peu de temps il lui confie le premier de ces pèlerinages, de ces loingtains voyages secrets, qui sont restés et resteront sans doute d’impénétrables énigmes.

Le 26 août 1426, Jean reçoit comptant 91 livres, 5 sols, pour accomplir « un certain pèlerinage », que Monseigneur « lui ordonne » et « certain loingtain voiaige secret, que semblablement il (le duc) lui a ordonné faire en un certain lieux que aussi ne veult aultrement déclarer ».[2] Le 27 octobre 1426, on verse à l’artiste 360 liv, pour « certains voyaiges secrets » faits « en certains lieux » dont Monseigneur « ne veut autre déclaration être faite ».[3] La même année — qui est celle de la mort de Hubert — le duc retient les gages et pensions de certains de ses officiers et serviteurs ; mais il a soin à la date du 3 mars 1427, d’informer son receveur que cet arrêt ne concerne point son peintre.[4] Les comptes de Courtrai, mentionnent au contraire que Jean reçoit à cette époque 29 livres de gratifications « dons et récompenses » et une autre fois, cinq livres, pour des services et des « nécessitez », — « afin plus honorablement il puist servir ».[5]

De cette époque daterait l’Annonciation, conservée à l’Ermitage de St-Pétersbourg. M. Kaemmerer à vrai dire, croit qu’elle ne fut peinte qu’après l’achèvement du Retable de Gand ; M. Bode, de son côté, songe à Hubert ; M. Karl Voll y voit une œuvre de Jean, exécutée peu après l’entrée du frère cadet à la cour de Philippe le Bon, alors que Jean avait sans doute à peine dépassé la trente-cinquième année.[6] Cette Annonciation est en réalité le volet gauche d’un triptyque dont le centre et le volet droit sont perdus. Elle se trouvait autrefois en Bourgogne et fut achetée à Dijon

  1. De Laborde, Les Ducs de Bourgogne. T. 1, p. 206. Compte de Gauthier Poulain.
  2. Ibid. t. I p. 225.
  3. Ibid. t. I p. 242.
  4. Ibid. t. I p. 246.
  5. Renseignements sur les valets.
  6. Jean Van Eyck en France. K. Voll. Gazette des Beaux-Arts, mars 1901.