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trastes, les demi-teintes, les oppositions dans ce que Taine appelle notre caractère national. La conception tainienne s’est néanmoins si bien vulgarisée, qu’aujourd’hui encore toute œuvre flamande, quelle qu’elle soit, à quelque époque qu’elle appartienne, est à première vue jugée réaliste. Le chanoine Dehaisnes, dans son Histoire de l’art dans la Flandre, l’Artois et le Hainaut avant le XVe siècle, — monument d’érudition sûre, de patience enthousiaste, d’information inépuisable — est hypnotisé par ce commandement esthétique : l’art flamand est naturaliste. Le phénomène est topique et veut qu’on s’y arrête. Aussi bien, en suivant Mgr  Dehaisnes dans quelques-unes de ses démonstrations, aurons-nous l’occasion de franchir à grands pas les stades primitifs de notre art et d’apprécier si le naturalisme soi-disant immémorial de notre race était tel qu’une révolution internationale devait en sortir.

Dès le début de son travail, et tout en accordant aux populations wallonnes un esprit fin et un goût satirique, le chanoine Dehaisnes écrit : « Pour la plupart de nationalité germaine, les populations du nord-est de la Gaule tiennent de cette origine, des tendances vers le naturalisme dans l’art. »[1] On chercherait vainement dans son livre une preuve de ce naturalisme primordial. Nous sommes naturalistes parce que Germains. L’innéité du naturalisme germanique n’est pas à discuter. Inclinons-nous et continuons. Après avoir indiqué que les Atrébates, les Morins, les Nerviens et les autres peuples qui occupèrent la Gaule Belgique durant les six siècles antérieurs à la domination romaine ne furent point dépourvus de sentiment artistique, le chanoine Dehaisnes parle de la pénétration de l’art romain. Il énumère les œuvres de ce temps, conservées dans les musées de Douai, de Lille, et citant la Vénus, la Maternité, les dieux du rire, les bustes, les animaux, et les autres statuettes de terre cuite qui nous sont restées du célèbre atelier de céramique de Moulins, il assure que leur caractère dominant « c’est l’expression dans les physionomies, une tendance vers la vérité réaliste et le goût du rire et de la caricature »[2]. Il passe ensuite aux invasions des Barbares, retrace le règne des premiers rois francs, et montre l’Église civilisatrice envoyant dans les régions septentrionales des missionnaires qui partaient de Rome, de Grèce, du centre et du midi de la

  1. Mgr  Dehaisnes. Histoire de l’art, Lille. Quarré, 1886, p. 4.
  2. Ibid, p. 8.