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le double bas relief des Miracles de Saint-Bavon à l’abbaye de Saint-Bavon à Gand. Ce sont des produits d’un art rude, souvent dramatique. M. Kœchlin a raison de dire qu’il a fallu quelque bonne volonté aux archéologues pour y distinguer une originalité féconde et surtout pour y trouver « le germe de ces qualités d’observation personnelles qu’ils estiment inhérentes à la future sculpture belge. »[1] Allons nous trouver un réalisme plus sensible dans les produits de la région mosane, qui sont d’un art supérieur et par conséquent plus significatif ? Les sculptures de l’église de Saint-Maur à Huy, celles de l’église Saint-Servais à Maestricht n’ont point de caractère précis. La Vierge de Dom Rupert (musée archéologique de Liège) est d’une facture très caressée, d’un charme très doux, mais sans aucune intention physionomique. Et nous voici devant les superbes fonts baptismaux de Saint-Lambert de Liège. Aujourd’hui à Saint-Barthélemy, ils furent exécutés entre les années 1138 et 1142 par un fondeur de génie qui s’appelait, croit-on, Renerus[2] ; ce dont je suis pour ma part absolument certain, c’est que l’auteur de ces fonts avait la grandeur simple, la poésie grave, la facture classique qui caractérisent deux siècles plus tard les œuvres du plus grand sculpteur trécentiste : André de Pise.

Passons à la peinture.

Le XIIe siècle est l’époque où les maîtres français dessinent les lourds conquérants des tapisseries de Bayeux, conçoivent les figures grandioses et pures de la chapelle du Liget, de l’église de Poncé, de la chapelle Saint-Michel à Rocamadour, et racontent noblement à Saint-Savin les origines du monde d'après l’Ancien Testament. Les mosaïstes italiens décorent les voûtes de Saint-Marc de compositions pathétiques ; des peintres allemands peignent au couvent de Bauweiler un Samson et un saint Hippolyte « d’une remarquable beauté d’attitude ».[3] Partout on reconnaît la tradition italo-byzantine établie par les mosaïques de Ravenne.

Nous avons conservé dans notre pays deux témoignages assez considérables de cette peinture aux accents ravennates. Ce sont les figures peintes à l’ancienne abbaye de Saint-Bavon, vêtues de longues tuniques en tissu quadrillé et rappelant à la fois les peintures de la chapelle du Liget et

  1. Raymond Kœchlin. La sculpture belge et les influences françaises aux XIIIe et XIVe siècles. 1903. p. 5.
  2. Cf. le remarquable travail de M. G. Kurth : Renier de Huy, auteur des fonts baptismaux de Saint-Barthélemy de Liège et le prétendu Patras. Bulletin de l’Acad, royale de Belgique. Classes des Lettres etc. 1903, n° 8. Cf. aussi Destrée, L’Auteur des fonts bapt. de St-Barth. Bulletin des Musées royaux, Déc. 1903 ; et H. Rousseau : Les fonts bapt. etc. Bull. des Musées, Juin-Juillet 1904.
  3. Waagen. Manuel de l’Histoire de la Peinture, p. 30.