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triasiques. Dans le massif même, les roches calcaires des terrains crétacés dominent d’abord et sont jointes à des calcaires de la période jurassique et de l’étage nummulitique. Entre ces roches et ces plateaux, à Smendou, au sud de Constantine et à El-Outaïa, par exemple, on rencontre de petits bassins et des lambeaux de terrains tertiaires moyens.

Le Sahara commence au pied du versant méridional de cette région accidentée. Des hauteurs des monts Aurès, l’immense désert apparaît comme une plaine sans limites et sans ondulations sensibles à l’œil. L’horizon, effacé par la distance, ne trace aucune limite entre le ciel et cette mer de sable. La monotonie ou plutôt la désolation d’un tel spectacle, n’est interrompue que par l’aspect de rares bouquets de palmiers, dénotant l’emplacement d’une oasis. La vue se repose alors sur ces points verts disséminés dans la plaine aride, et l’imagination, frappée par le contraste de la sécheresse, de l’aridité et de l’ardeur brûlante du désert, avec la fraîcheur et la fertilité de l’oasis, se plaît à multiplier ces heureux séjours, retraites précieuses pour les caravanes et les voyageurs.

Pour accomplir ce rêve de l’imagination, que faut-il ? Une source naturelle, ou, à son défaut, un puits creusé par l’industrie des hommes.

En quelques années, les Français ont accompli ce bienfait que les Arabes, avec leur apathie naturelle, avaient attendu pendant des siècles. À M. Charles Laurent revient l’honneur d’avoir appelé l’attention sur cette question et d’avoir entrepris les premiers travaux.

Cet ingénieur croit que le Sahara n’est qu’un ancien golfe, dont l’ouverture aurait été située vers Gabès, dans la régence de Tunis, de sorte que pendant la période géologique quaternaire le Tell aurait formé une grande presqu’île s’avançant dans la Méditerranée, de l’ouest vers l’est, ou peut-être séparant deux vastes mers. Les renseignements peu précis que l’on possède sur ces limites méridionales du grand désert, tendent à établir qu’il est borné, vers le sud comme vers le nord, par des montagnes.

Le Sahara est, en effet, une énorme dépression, qui a été comblée probablement à l’époque quaternaire. Le sol de ce désert qui, vers l’ouest, a une altitude de 5 à 600 mètres au-dessus du niveau de la mer, s’abaisse vers l’est, au point de descendre, dans la partie marécageuse du Sahara oriental, jusqu’à 86 mètres au-dessous du niveau de la mer. Des terrasses alignées dans un sens parallèle à la ligne des monts Aurès indiquent les anciens rivages du golfe, dont les contours sont du reste marqués par des dépôts de sables identiques à ceux que rejette actuellement la Méditerranée, et mélangés comme eux, sur beaucoup de points, d’une coquille qui pullule encore dans cette mer, le cardium edule.

D’énormes masses de poudingues, composés en grande partie de débris calcaires entraînés violemment des massifs crétacés qui forment les montagnes voisines, et roulés par les torrents diluviens à l’époque quaternaire, ont d’abord comblé peu à peu ce vaste bassin. Partout on les voit apparaître, aussi bien vers la lisière septentrionale du Sahara, où ils recouvrent les roches secondaires et tertiaires, que vers le sud, où ils sont, au contraire, recouverts par des masses plus récentes. À mesure que ces poudingues se sont éloignés des points d’où ils ont été entraînés, on les retrouve de plus en plus désagrégés. Ainsi, tandis qu’ils sont à l’état de blocs énormes vers le nord, on les voit réduits à l’état de sable fin vers le sud. Il semble que, tandis que ce transport s’effectuait, une force souterraine ait soulevé la partie occidentale du bassin, pendant que la partie orientale s’abaissait. C’est ce que prouve du moins l’allure des dépôts de marne, de sable et de limon plus ou moins agglutinés par des infiltrations gypseuses, et entremêlés de cristaux de chaux qui recouvrent ces poudingues et forment le sol du désert.