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C’est à Biskra que commence le Sahara oriental, dans lequel ont été exécutés les travaux que nous avons à mentionner.

M. Ch. Laurent, en explorant en 1855, à la suite de nos colonnes expéditionnaires victorieuses, le sol de cette contrée, s’efforça de deviner les allures de la nappe d’eau souterraine.

Après avoir reconnu que la constitution géologique du sol était telle que nous venons de l’indiquer, M. Ch. Laurent conclut que, contrairement à l’opinion généralement admise chez les Arabes, les eaux s’infiltrent sur tout le pourtour du bassin saharien, dans les couches de poudingues inférieurs formant la lisière de ce bassin, et qui deviennent dès lors la couche aquifère. La direction du courant d’eau doit donc aller du nord au sud. C’est ce que l’on vérifie par l’inspection des puits et des sources. La nappe suit dès lors les ondulations du sol, tantôt en formant une série de bassins étagés se déversant les uns dans les autres, tantôt remontant sous l’action de la pression due à l’altitude des points d’infiltration, jusqu’à des hauteurs supérieures au niveau de la mer, toujours se maintenant à une distance de la surface de la terre comprise entre 50 et 100 mètres.

Parfois cette nappe se divise en plusieurs couches superposées ; en sorte qu’elle fournit à la sonde des sources qui jaillissent à différentes profondeurs.

Ces données positives une fois établies, le forage d’un certain nombre de puits artésiens dans le Sahara fut décidé par le gouvernement français. Une période de conquêtes venait de soumettre par force les Arabes, dans le Chott-Melr’ir, l’Oued-R’ir, l’Oued-Souf et les Zibans, provinces qui composent le Sahara oriental. On jugea que des travaux utiles devaient nous attacher les indigènes par la reconnaissance.

Le travail du forage du premier puits artésien, dans le Sahara, commença, au printemps de 1856, à Tamerna, dans l’Oued-R’ir, grâce à un matériel de sondage envoyé par la maison Degousée, et qui, débarqué à Philippeville, fut amené, non sans les plus grandes difficultés, à travers les sables, jusqu’au lieu du travail. Dirigé par M. Jus, ingénieur civil, qui avait été envoyé par la maison Degousée, le forage, poussé, en quarante jours, jusqu’à 60 mètres, atteignit bientôt une nappe jaillissante qui fournit 4 500 litres d’eau par minute, c’est-à-dire cinq à six fois plus d’eau que n’en débite notre puits de Grenelle.

Pendant la durée des travaux, les indigènes avaient passé par des émotions bien diverses. S’ils éprouvaient le secret désir de nous voir mortifiés par un insuccès, ils n’en calculaient pas moins les avantages qu’ils devaient retirer de la réussite.

L’enthousiasme et la joie des habitants de l’Oued-R’ir furent immenses à la vue de l’abondante rivière qui s’élançait des profondeurs du sol. Cette nouvelle s’étant rapidement propagée dans le sud du Sahara, les Arabes se rendirent en foule à Tamerna, pour admirer cette merveille. On organisa une fête solennelle, pendant laquelle la nouvelle fontaine fut bénite par le marabout, qui lui donna le nom de Fontaine de la Paix.

Interrompus pendant l’été, les travaux furent repris en décembre 1856, sous la direction de M. Jus, secondé par le sous-lieutenant Lehaut. Dans cette campagne, cinq puits jaillissants furent forés : deux au midi de Touggourt, dotaient de 155 litres d’eau par minute l’oasis de Temacin. Un autre, donnant 4 300 litres d’eau par minute, rendait la vie à l’oasis expirante de Sidi-Rached. Enfin, dans les Zibans, deux forages créaient dans le désert de Morrian des sources autour desquelles venaient se fixer des fractions de tribus nomades, l’une au pied du Coudiat-el-Dehos, à Oum-el-Thiour, donnant 180 litres, l’autre à Chegga, débitant 90 litres par minute. Ces deux puits, en abrégeant les étapes entre Biskra et l’Oued-R’ir, faisaient naître des oasis dans un espace auparavant désert. En