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Dans la machine à vapeur surchauffée de MM. Wathered, la vapeur engendrée dans un générateur, qui est tubulaire comme celui des locomotives, mais placé verticalement, se divise en deux parties. L’une se rend directement, comme à l’ordinaire, dans une chambre à vapeur qui précède le cylindre ; l’autre est dirigée par un tuyau, dans un serpentin installé dans le carneau et dans le dôme de la cheminée. En circulant à travers les spires du serpentin, cette vapeur s’échauffe considérablement et atteint une température de 300 à 400 degrés. Ainsi surchauffée, elle vient se réunir, dans la chambre à vapeur qui précède le cylindre, à la vapeur ordinaire qui est venue directement du générateur. Il résulte de ce mélange de deux vapeurs, que la vapeur surchauffée cède à la vapeur ordinaire une partie de son excès de température ; qu’elle vaporise l’eau que cette dernière contenait à l’état liquide, et lui donne une grande tension. Le mélange de ces deux vapeurs entre alors dans le tiroir de distribution, et pénètre de là dans les cylindres, où elle produit son effet mécanique.

Les dispositions nouvelles que l’on tend aujourd’hui à donner à la machine à vapeur, et que nous avons exposées avec quelques détails, parce qu’elles représentent le côté véritablement neuf et original de cette question, résultent de vues théoriques d’un ordre élevé, auxquelles les physiciens ont été conduits dans ces derniers temps. D’après une théorie adoptée aujourd’hui par presque tous nos savants, la force mécanique propre à un fluide élastique ou à une vapeur, ne serait que la conséquence de la perte de calorique occasionnée par l’expansion de ce gaz ou de cette vapeur. Si un piston s’élève sous l’impulsion de la vapeur d’eau, cet effet mécanique est dû, selon la doctrine nouvelle, à la perte de calorique que la vapeur subit en se dilatant : de telle sorte que la chaleur semble se métamorphoser ici en travail mécanique.

Il est certain que quand la vapeur agit sur un piston pour le soulever, elle éprouve un refroidissement considérable, et qu’à sa sortie du cylindre, elle ne contient plus qu’une partie du calorique qu’elle y avait apporté. Le travail mécanique exécuté par la vapeur, peut donc être considéré comme la différence entre le calorique que la vapeur présentait à son entrée dans le cylindre et celui qu’elle conserve à sa sortie. Ainsi la chaleur paraît s’être métamorphosée en mouvement, au sein de la machine.

Rien ne se perd, rien ne se crée dans la nature ; cette grande vérité, issue des découvertes de la chimie, semble trouver dans les faits empruntés à la physique, une confirmation nouvelle. En effet, dans le cas que nous considérons, le calorique de la vapeur n’a point péri, il a seulement changé de nature ; il s’est transformé en mouvement.

On remarquera, à l’appui de cette belle explication de l’action mécanique des gaz et des vapeurs, que, si l’on comprime vivement de l’air ou un gaz dans un tube, il se produit de la chaleur ou de la lumière. C’est l’effet inverse de ce qui se passe lorsqu’une vapeur échauffée exerce une action mécanique : la vapeur se dilate, et elle se refroidit. Dans le premier cas, le calorique prend naissance par la condensation du gaz ; dans le second, le calorique se perd par la dilatation de la vapeur.

La théorie mécanique de la chaleur a été établie par les calculs d’un grand nombre de physiciens éminents, en particulier par les travaux de MM. Victor Regnault, Hirn, Mayer, Joule, Thomson et Renkine. Cette théorie conduit à une conclusion véritablement désespérante en ce qui concerne la valeur pratique de nos machines à vapeur actuelles. Il résulterait, en effet, des calculs exécutés par M. Regnault, en partant de cette théorie de l’assimilation de la chaleur au travail mécanique, que nos meilleures machines à vapeur n’utiliseraient que le quarantième de la chaleur transmise