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des vaisseaux, le marquis de Jouffroy n’avait pas tardé à se convaincre que l’application de la vapeur à la navigation était loin d’offrir des obstacles insurmontables. Mais l’élément essentiel manquait à ses calculs, car la machine à vapeur était encore fort peu connue parmi nous. Uniquement employée en Angleterre dans les mines de houille, surveillée d’ailleurs avec un soin jaloux chez cette nation, qui désirait jouir exclusivement de ses avantages, la merveilleuse machine n’avait pas encore passé le détroit.

Fig. 79 — Le marquis de Jouffroy.

Précisément à l’époque où le marquis de Jouffroy, revenant de son exil, entrait dans la capitale, impatient de recueillir sur la machine à vapeur les renseignements qui lui manquaient, les frères Périer s’occupaient d’établir la pompe à feu de Chaillot, qui consistait, comme on l’a vu dans l’histoire de la machine à vapeur, en une machine de Watt à simple effet. La pompe à feu des frères Périer était alors, pour les Parisiens, le sujet d’une vive et juste curiosité ; la foule ne se lassait pas d’aller contempler son jeu, si admirable et si simple.

À peine débarqué, le marquis de Jouffroy, sans donner un regard aux merveilles de la capitale qu’il voyait pour la première fois, courait à Chaillot, pour se mêler à la foule des visiteurs, et tandis que le mécanisme de l’appareil n’était pour le reste des assistants que l’objet d’une curiosité stérile, il devenait pour lui le texte des plus fructueuses études. Ayant obtenu des frères Périer la faveur d’une entrée particulière, il put observer tout à loisir les détails de la machine et le jeu de ses divers organes. L’examen approfondi auquel il se livra ainsi, lui montra toute la certitude de ses vues ; et dès lors, la possibilité de réaliser le projet qu’il avait conçu éclata avec évidence dans son esprit, et l’occupa tout entier.

Quelques explications vont faire comprendre comment la machine installée à Chaillot, ou la machine de Watt à simple effet, pouvait donner les moyens de créer la navigation par la vapeur, et permettre de triompher des obstacles qui, jusqu’à ce moment, avaient arrêté les mécaniciens dans l’exécution de cette grande entreprise.

L’idée d’appliquer la vapeur à la navigation, s’était présentée, disions-nous tout à l’heure, à l’esprit de la plupart des mécaniciens qui avaient été témoins de ses effets. C’est ce qui va résulter de la revue historique que nous allons faire des divers projets qui ont été proposés ou exécutés, pour appliquer la machine à vapeur à la navigation, au fur et à mesure que cette puissante machine prenait naissance et se perfectionnait entre les mains des constructeurs.

Mais avant d’entreprendre cette revue, il est peut-être bon de nous débarrasser d’un personnage que quelques historiens, et surtout les Espagnols, ont voulu mettre en avant, pour lui attribuer l’honneur d’avoir, le premier, créé un bâtiment à vapeur. Nous voulons parler de Blasco de Garay.

Arago, dans sa notice sur la Machine à vapeur[1], cite un rapport, qui a été publié

  1. Tome V, page 10 des Œuvres complètes.