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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/166

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Paris, les actionnaires récalcitrants, pour s’entendre condamner à fournir la somme de 15 000 francs, nécessaire pour relever le bateau et remettre la machine en état.

Conformément à ces conclusions, un jugement fut rendu, un mois après, condamnant les actionnaires à verser la somme demandée.

Mais toutes ces luttes, toutes ces déceptions, avaient épuisé les forces de Joseph d’Auxiron qui, à peine âgé de quarante-sept ans, succomba, en 1778, à une attaque d’apoplexie.

La Société fut dissoute, au moins de fait. La somme de 14 000 francs, due aux ouvriers, dut être payée par Follenai et Jouffroy d’Uzelles. La dépense, pour la construction du bateau et de la machine à vapeur, avait été de 15 200 francs.

Voilà donc ce qui se passait, au moment où le marquis Claude Jouffroy-d’Abbans se proposait d’essayer l’emploi de la pompe à feu pour la navigation sur les rivières. Le projet qui l’occupait, avait déjà été soumis à une expérience sérieuse. Ainsi l’entreprise n’était pas à créer ; il n’y avait qu’à la reprendre, pour la sauver du naufrage qu’elle venait littéralement d’éprouver.

C’est ce qui arriva. Le marquis de Jouffroy et les héritiers d’Auxiron ne se connaissaient pas à cette époque. Follenai les mit en rapport.

« À la suite de l’entente qui s’établit entre eux, le ministre écrivit que, d’après le désistement de MM. d’Auxiron, qui avaient droit au privilége, il serait accordé à M. de Jouffroy, si sa méthode était jugée utile par l’Académie des sciences.

« Il intervint alors entre MM. de Jouffroy, de Follenai et les héritiers d’Auxiron, une société composée de vingt parts, dont trois pour les héritiers d’Auxiron ; le surplus fut réparti entre MM. de Jouffroy et de Follenai, à charge de pourvoir aux dépenses. Ensuite de ce traité, les héritiers d’Auxiron remirent à M. de Jouffroy, sur récépissé, les plans et devis du capitaine concernant : 1o les calculs relatifs à la pompe à feu ; 2o la charge dont les bateaux sont susceptibles ; 3o la dépense et les produits probables[1]. »

C’est alors, d’après le témoignage que nous venons de citer, que le marquis de Jouffroy se mit à l’œuvre ; c’est alors qu’il s’occupa, avec le secours de Follenai, de construire un pyroscaphe, et d’organiser une compagnie financière, pour subvenir aux dépenses de l’entreprise.

Follenai et le marquis de Jouffroy trouvèrent un puissant appui dans le marquis Ducrest.

Frère de madame de Genlis, colonel en second du régiment d’Auvergne, Ducrest était un des hommes les plus répandus dans la société du temps de Louis XVI. Il tenait à tout et s’occupait de tout. Il s’était consacré avec succès à l’étude des sciences exactes ; car il a écrit, sur la mécanique appliquée, un ouvrage qui lui ouvrit les portes de l’Académie des sciences. Il était versé dans les questions de politique et de finance, et il a publié sur ce sujet divers mémoires, qui, pour avoir excité la verve satirique de Grimm, n’en ont peut-être pas moins de valeur.

M. de Jouffroy ne pouvait rencontrer de protecteur plus utile à ses desseins que cet actif et remuant personnage, dont l’imagination s’allumait au contact de chaque idée nouvelle. Grâce à son zèle et à ses démarches, le projet de navigation par la vapeur du gentilhomme franc-comtois, ne tarda pas à être connu de tout ce que Paris renfermait d’hommes distingués dans les sciences, et bientôt une société financière se montra disposée à le mettre en pratique.

Une réunion fut tenue chez le marquis Ducrest, à l’effet de s’entendre sur les moyens d’exécution[2].

Parmi les personnes qui figuraient dans cette petite assemblée, on remarquait Jacques Périer, le comte d’Auxiron et Follenai. On

  1. Notice sur les premiers essais de navigation à vapeur, par Ch. Paguelle, p. 9.
  2. Des bateaux à vapeur, précis historique de leur invention, par Achille de Jouffroy, fils du marquis Claude de Jouffroy. Paris, 1841, in-8o, p. 12.