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du fleuve, jusqu’à Galam, extrême limite de nos possessions en Afrique[1]. »

Tel est l’événement dramatique et curieux, qui s’accomplit en présence de M. Léon Gozlan.

Reprenons maintenant la suite de notre récit.

La navigation par la vapeur avait à prendre un dernier, et on peut le dire, un sublime essor. Il lui restait à accomplir les voyages de long cours, à essayer de faire, sans désemparer, la traversée de l’Atlantique. C’est en 1836 que s’opéra cette grande et nouvelle phase dans l’évolution de la découverte admirable dont nous racontons l’histoire.



CHAPITRE VI

la navigation transatlantique. — premières tentatives : voyage du savannah en 1819 et de l’entreprise en 1825. — voyage transatlantique du great-western et du sirius en 1838. — derniers progrès de la navigation à vapeur jusqu’à notre époque.

Quelques tentatives qui remontaient bien avant l’année 1836, avaient déjà fait entrevoir la possibilité d’étendre le mode de navigation par la vapeur, aux voyages de long cours. Déjà, en 1819, un navire américain, le Savannah, avait eu l’audace d’entreprendre un voyage entre l’ancien et le nouveau monde. Les circonstances qui accompagnèrent cette tentative méritent d’être brièvement racontées.

Vers l’année 1818, le capitaine Moses Rogers, de Savannah (ville et port de la Géorgie, l’un des États de l’Amérique du Nord), conçut le projet de faire construire un bateau à vapeur, destiné à un service régulier entre l’Amérique et l’Europe. Il s’adressa, à cet effet, à une société de capitalistes, qui résolurent de tenter l’épreuve. En conséquence, on acheta à New-York, un beau navire à voiles, dont les proportions semblaient les plus convenables pour atteindre ce but. On lui conserva son gréement et ses accessoires de bâtiment à voiles, et l’on y installa une machine à vapeur horizontale et des roues à aubes. Ces roues étaient construites de manière à pouvoir se démonter et se replier sur le pont, comme un éventail fermé. Son arbre de couche était organisé dans les mêmes conditions. La cage des roues se composait de toiles goudronnées, étendues sur des branches de fer. On lui donna le nom de Savannah, pour rappeler la ville d’Amérique d’où il était parti pour la première fois, avec son outillage à vapeur.

Le Savannah était du port de 389 tonneaux, gréé en trois-mâts-barque. Il partit de Savannah, le 26 mai 1819, et arriva à Liverpool, en Angleterre, après une traversée de vingt-cinq jours, sur lesquels sa machine fonctionna dix-huit jours seulement.

D’après une autre version, et suivant le témoignage d’un des officiers du Savannah, il n’aurait mis que dix-huit jours à ce voyage et sa machine n’aurait fonctionné que pendant sept jours.

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’au milieu de l’Atlantique, dans la crainte de manquer de combustible, on démonta les roues, pour épargner le charbon, et profiter d’une brise favorable. Seulement, aux approches de la côte d’Angleterre on replaça tout l’appareil de locomotion, afin de terminer le voyage comme il avait été commencé, c’est-à-dire à l’aide de la vapeur.

La vue de ce bâtiment, venant du large sans l’aide de la voile, excita la plus vive admiration sur la côte britannique. Comme le Savannah remontait le canal Saint-George, le commandant d’une division anglaise, voyant venir à lui un bâtiment à sec de toile et couronné d’une épaisse fumée, qui paraissait s’échapper de sa mâture, crut que le navire était en feu. Il se hâta, après s’être approché du navire, d’envoyer deux canots à son se-

  1. Contes et nouvelles, in-18, Paris, 1851, chez V. Lecou, pages 256-269.