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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/226

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sept jours pour atteindre de ce port, à Calcutta, et avait fait alternativement usage de la vapeur et des voiles. On pouvait en dire autant du Savannah, qui avait accompli, en 1819, la traversée de New-York en Angleterre : ce navire avait employé, comme nous l’avons dit, la voile, en même temps que la vapeur, et avait mis un retard de six jours sur la marche des navires ordinaires.

Une autre question importante se débattait entre les gens d’affaires : c’était la cherté de ce moyen de transport. Le vent qui enfle les voiles d’un vaisseau, ne coûte rien ; tandis que l’alimentation d’une chaudière à vapeur occasionne une dépense considérable. De plus, une machine installée à bord d’un vaisseau, occupe un grand espace, qui est perdu pour les marchandises, et diminue par conséquent, les bénéfices du transport. La cherté du fret des bâtiments à vapeur pourrait donc difficilement, disait-on, soutenir la concurrence de la navigation à voiles.

Les savants ne se montraient pas plus favorables au nouveau projet. Un professeur de Londres, Dionysius Lardner, dans un ouvrage qu’il publia sur les effets de la vapeur, se livra à une série de calculs, pour démontrer l’impossibilité de réussir dans cette entreprise. Il se rendit même à Bristol, et dans une des conférences publiques qui furent tenues à cet effet, il déclara qu’essayer de traverser l’Atlantique avec les paquebots à vapeur, serait aussi insensé que de « prétendre aller dans la lune ».

Cependant l’industrie britannique discute peu. Il n’est point d’entreprise, si hardie, si téméraire qu’elle soit, qui ne trouve en Angleterre ses moyens d’exécution. Tandis que les savants dissertaient, tandis que les négociants calculaient, tandis que les hommes de mer critiquaient, des centaines d’ouvriers étaient occupés, dans les chantiers de Bristol, à construire un immense navire qui devait triompher de toutes les prophéties contraires. Au commencement de 1838, le Great-Western était terminé. C’était un des plus élégants et des plus majestueux navires qui fussent encore sortis des chantiers de la marine britannique. Il jaugeait 1 340 tonneaux, et sa longueur était de 240 pieds. Les deux machines à vapeur qu’il contenait, étaient de la force de 450 chevaux. On peut se faire une idée de ses dimensions, en se figurant un vaisseau de ligne de 80 canons. Outre son appareil à vapeur, il portait quatre mâts à voiles, destinés à suppléer, si cela était nécessaire, à l’action de la vapeur. Les roues avaient 8 mètres et demi de diamètre, et leurs palettes 3 mètres et demi de longueur. On avait épuisé dans les dispositions de l’intérieur, toutes les ressources du luxe.

Au mois de mars 1838, la construction du Great-Western était terminée, et peu de temps après, sur les murs de la salle même de Bristol où le professeur de Londres avait rendu ses oracles, on lisait une affiche ainsi conçue : « Le Great-Western, commandé par le lieutenant Hosken, partira de Bristol pour New-York, le 4 avril. »

Sur cette annonce, une autre compagnie se décida à tenter la même entreprise. Le Sirius, navire à vapeur jaugeant 700 tonneaux, et muni d’une machine de la force de 320 chevaux, se disposa à essayer, en même temps que le Great-Western, le voyage transatlantique.

Le 5 avril 1838, le Sirius partit de la rade de Cork, en Irlande : c’est le port des Îles Britanniques le moins éloigné des États-Unis. Il emportait 453 tonneaux de charbon, et 53 barils de résine, destinés à servir de combustible.

Trois jours après, le Great-Western appareillait à Bristol, pour New-York, avec 660 tonneaux de charbon. Sept passagers seulement avaient osé braver les chances du voyage.

C’est alors que commença la lutte la plus étonnante dont l’Océan eût jamais été le théâtre, entre ces deux navires marchant par la seule puissance de la vapeur et cher-