Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vapeur comme agent de propulsion nautique, un grand nombre de mécanismes différents furent-ils proposés pour remplacer les roues. Cependant aucun d’eux n’avait fourni des résultats satisfaisants, et la supériorité des roues semblait une question définitivement jugée, lorsque, en 1839, un constructeur anglais, M. Smith, appliqua à un navire à vapeur une hélice, ou vis d’Archimède, comme moyen de propulsion. Les résultats remarquables fournis par ce nouveau moteur, excitèrent au plus haut degré l’attention des hommes de l’art. Des expériences ultérieures ayant confirmé ces premiers résultats, ce système a fini par devenir d’un emploi général dans la navigation maritime.

En quoi consiste l’hélice employée comme agent moteur des navires, et comment peut-on, en théorie, se rendre compte de ses effets ?

L’hélice n’est autre chose que la vis ordinaire, et la théorie de son action est la même que celle de ce dernier instrument[1]. Concevons que l’on dispose horizontalement, à l’avant d’un bateau, et dans le sens de sa longueur, une vis, pouvant tourner librement sur son axe. Si l’on engage l’extrémité de cette vis dans un écrou fixe, maintenu dans une position invariable par rapport au sol environnant, quand on viendra à imprimer à la vis un mouvement rapide de rotation, elle avancera dans l’écrou, et entraînera par conséquent, le bateau auquel elle est fixée. L’hélice de nos bateaux fonctionne de la même manière ; seulement l’écrou fixe est remplacé par l’eau. Quand on fait tourner une hélice au milieu de l’eau avec une grande rapidité, l’eau environnante se trouve mise en mouvement avec la même vitesse, et par suite de la réaction qu’elle exerce sur les faces inclinées de l’hélice, elle imprime au bateau un mouvement de progression, qui est d’autant plus rapide que l’hélice tourne plus vite.

L’idée d’appliquer la vis d’Archimède à la navigation est déjà ancienne. Nous allons résumer les tentatives nombreuses qui ont été faites jusqu’à nos jours dans cette direction.

L’hélice qui a été employée depuis l’antiquité à divers usages mécaniques, fut proposée pour la première fois, comme moteur des navires, en 1752, par Daniel Bernouilli. Dans son mémoire couronné par l’Académie des sciences, et dans son Hydro-dynamique, Bernouilli fit connaître, avec plusieurs autres procédés de navigation, un moyen de propulsion des navires, consistant à faire tourner rapidement au milieu de l’eau, une sorte d’aube de moulin à vent, dont la forme différait peu de celle de l’hélice employée de nos jours[2].

Pendant les nombreuses expériences que du Quet fit à Marseille et au Havre, de 1687 à 1693, sur les agents de propulsion propres à remplacer les rames, ce mécanicien ne manqua pas d’étudier l’hélice proposée par Bernouilli ; mais il ne put en retirer aucun résultat avantageux.

En 1768, un ingénieur français, nommé Paucton, proposa, dans un ouvrage sur la théorie de la vis d’Archimède, de remplacer

  1. L’invention de la vis est attribuée à Archytas, qui vivait environ 400 ans avant J.-C. ; il est cependant probable qu’elle est d’une origine plus ancienne. Plus tard, on revêtit la vis d’une enveloppe, et on la consacra à l’élévation des eaux. On sait que ce moyen fut employé en Égypte, pour le desséchement des terres, après les débordements du Nil. Archimède qui perfectionna, en Égypte, l’application de la vis au desséchement des terrains submergés, mérita d’appliquer son nom à cet appareil, perfectionné par lui.
  2. Voyez pour l’historique complet des essais très-divers et très-nombreux, faits pour appliquer l’hélice à la navigation, les ouvrages suivants : Mémoires de M. Léon Duparc (Annales maritimes, 1842, t. II, p. 885) ; — Recueil de machines, par Armengaud, 23 ; — Mémoire sur les propulseurs, par le capitaine Labrousse ; — Traité des propulseurs, de Galloway, traduit par Labrousse ; — Mémoire sur la navigation aux États-Unis, par Marestier ; — Treatise on the Screw Propeller, par Bourne ; — Id., par Tredgold, nouvelle édition ; — Rudimentary Treatise on the Marine Engine, par R. Murray ; — Mémoire de MM. Moll et Bourgeois ; — enfin et surtout le Traité de l’hélice propulsive, par le capitaine Paris, qui a placé en tête de son livre, la traduction d’une notice historique sur l’hélice, tirée de l’ouvrage anglais de Bourne.