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Fig. 120. — L’Héroïne, frégate cuirassée, lancée en 1864.


ou à raison, ne nous produisent l’effet que d’un fantôme sur lequel il suffit de marcher pour le voir s’évanouir. Ces résultats, dont nos voisins s’enorgueillissent, ne nous semblent pas faits pour modifier la confiance que doit inspirer la cuirasse défensive de nos vaisseaux. Sans doute, lorsqu’on tire tranquillement, à terre, sur des plaques métalliques, avec de formidables canons, dans des expériences attentives, calculées pour agir sur l’opinion publique, on peut parvenir à trouer les plaques les plus massives. Mais à quoi servirait tout cela dans la pratique de la mer ? Où sont les bâtiments de guerre qui embarqueraient des canons du poids de 7 tonnes, avec tout leur approvisionnement pour une campagne ? Le canon d’un navire ne tire forcément que sous un certain angle, et les boulets ne viennent jamais le frapper lui-même perpendiculairement, comme dans des expériences d’artillerie, faites à terre. Le mouvement de la mer suffirait pour s’opposer à la normalité de ce tir. Aussi les canons dont on s’est servi dans les expériences de Schœburyness, une fois arrimés à bord, seraient-ils plutôt capables de nuire à ceux qui les emploient, qu’à l’ennemi lui-même. La pratique a démontré qu’un vaisseau ne peut pas embarquer des canons de plus de 50 ; or ces pièces ne pourront jamais entamer une armure de fer comme celles de la Gloire ou du Warrior. Les canons Armstrong de gros calibre, de Horsfall, ou de Withworth, ne sont bons qu’à terre ; on ne saurait ni les placer ni les charger à bord d’un vaisseau. Quelques-uns ont 4 mètres de long, ils pèsent, comme nous l’avons dit, 7 000 kilogrammes et lancent des boulets de 150 livres ! Ces chiffres effrayent l’imagination ! Quel navire, nous le répétons, se chargera jamais de semblables masses, et peut-on sérieusement présenter de pareils engins comme propres aux manœuvres habituelles de la mer ?