Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mesure qu’elle disparaissait en vapeur ; si bien, qu’au bout d’un quart d’heure tout mouvement se trouvait arrêté. Il fallait remplir de nouveau la chaudière, et la marche de la voiture n’était rétablie que lorsque la vapeur avait acquis une tension suffisante.

Cette circonstance suffisait à elle seule, pour empêcher toute application sérieuse de cet appareil, quelque remarquable que fût, d’ailleurs, sa conception.

Un essai avorté compromet toujours l’avenir d’une idée scientifique. Le mauvais effet que produisit l’échec de Cugnot retarda notablement la découverte de la locomotion par la vapeur, en détournant les mécaniciens de cette étude. Trente années s’écoulèrent, pendant lesquelles ce genre de recherches fut totalement abandonné. L’emploi général des machines à vapeur à haute pression put seul ramener l’attention sur ce problème, en raison des facilités évidentes que ce genre de machines apportait à la solution du problème des voitures à vapeur.

Nous avons donné, dans la Notice consacrée à la machine à vapeur (page 110), l’historique de la machine à vapeur à haute pression, inventée par Olivier Évans.

En 1786, Olivier Évans adressa au Congrès de l’État de Pensylvanie, la demande d’un double privilége pour ses moulins à farine et pour une voiture à vapeur ; chacun de ses mécanismes était mis en action par une machine à haute pression.

Sa première requête fut bien accueillie ; mais la pauvre chambre de Pensylvanie ne comprit rien à la seconde. Ne pouvant se décider à prendre au sérieux le projet d’une voiture qui marcherait sans chevaux, elle ne voulut pas même en faire mention dans son rapport. « Entre nous, disaient les membres de la commission, le cher Olivier n’a pas la tête saine. »

Il revint à la charge dix ans après. Mais mieux inspiré cette fois, il s’adressa au Congrès du Maryland, qui céda à ses sollicitations. Un privilége pour la construction de chariots à vapeur, lui fut concédé le 21 mai 1797, par la législature de cet État, non toutefois sans l’expression d’un doute très-prononcé, et « vu, disait le rapporteur, que cela ne peut nuire à personne ».

Cette approbation équivoque ne pouvait guère encourager les capitalistes à entrer dans l’entreprise d’Olivier Évans. Toutes les bourses se fermèrent devant le songe-creux qui rêvait des voitures sans chevaux.

Si mal accueilli par ses compatriotes, Évans se décida à envoyer à Londres les plans de sa machine et l’exposé des moyens qu’il comptait mettre en œuvre. Il désirait trouver en Angleterre, quelque capitaliste qui consentît à prendre un brevet, en partageant avec lui les bénéfices de l’exploitation. Mais on lui répondit de Londres, que personne n’ajoutait foi à ses idées.

Cependant, vers l’année 1800, ayant amassé une petite somme, Olivier Évans se détermina à commencer à ses frais, la construction de sa voiture à vapeur.

On s’occupait beaucoup à Philadelphie, de la machine qu’il était en train de construire ; mais ce n’était que pour la tourner en ridicule. La plupart des personnes instruites qui venaient visiter ses ateliers, traitaient ouvertement son projet de folie. Un ingénieur qui jouissait d’un certain renom, voulut donner à ce blâme public la sanction scientifique, et dans un mémoire qu’il présenta à la Société philosophique de Philadelphie, il essaya de prouver qu’il était impossible qu’une voiture « roulât jamais par l’action de la vapeur ».

Heureusement pour son crédit futur, la société ne laissa pas imprimer cette assertion, et biffa les parties de ce travail où elle se trouvait émise, « attendu, dit-elle avec beaucoup de sens, qu’on ne peut assigner de bornes au possible ».

En dépit de l’opposition et des critiques qu’il rencontrait, Olivier Évans s’occupa de ter-