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canaux. Les compagnies n’eurent donc pas de peine à monopoliser le transport des marchandises, et elles réalisèrent bientôt des bénéfices considérables. C’est en vain que dans l’espoir de maintenir dans de justes limites le tarif des transports, le gouvernement autorisa l’établissement de compagnies rivales, pour l’exploitation des canaux. L’intérêt commun fit réunir les anciennes et les nouvelles compagnies, toute concurrence fut détruite, et le commerce fut astreint à des prix exorbitants. On imaginait toutes sortes de moyens pour éluder les prescriptions légales, et c’est ainsi que les propriétaires du Canal de Bridgewater étaient parvenus à percevoir, de Liverpool à Manchester, un péage de 18 francs 73 centimes, malgré le bill qui leur assignait un tarif maximum de 7 francs 50 centimes.

Le commerce toléra longtemps ces exactions. On se rappelait la situation où se trouvait l’industrie manufacturière avant l’établissement des canaux, et l’on aimait encore mieux subir, pour les transports, des tarifs élevés, que de garder ses marchandises en magasin.

Mais ce que l’on ne put supporter avec la même longanimité, ce fut la négligence qui finit par s’introduire dans le service des canaux. Encouragées par les facilités qu’elles trouvaient à réaliser de gros bénéfices, les compagnies poussèrent plus loin les abus. Les transports n’atteignirent pas seulement à des prix extravagants, ils furent encore faits avec peu de soin et une lenteur excessive. De 1826 à 1830, de nombreuses pétitions furent adressées au parlement, pour dénoncer ces faits. L’un des pétitionnaires citait plusieurs cas dans lesquels des balles de coton, venues d’Amérique en vingt et un jours, avaient mis un mois et demi pour arriver de Liverpool à Manchester, c’est-à-dire pour faire un trajet de seize lieues.

Cet état de choses parut intolérable, et le mécontentement, longtemps comprimé, fit explosion. Plusieurs meetings furent tenus en diverses villes de l’Angleterre, pour aviser aux moyens de sortir de cette situation.

Une réunion de ce genre, composée d’un nombre prodigieux de personnes, eut lieu à Liverpool, le 20 mai 1826. À la suite de nombreux discours prononcés par divers orateurs, il fut décidé qu’une compagnie serait organisée pour établir, de Liverpool à Manchester, un chemin de fer, destiné à faire concurrence aux trois canaux qui aboutissent à cette dernière ville.

Les compagnies des canaux essayèrent de parer le coup qui les menaçait. Elles se réunirent pour abaisser les tarifs des transports, comme elles s’étaient réunies autrefois pour les élever. Mais il était trop tard. Tous leurs efforts, toutes leurs sollicitations auprès des membres des deux chambres, n’aboutirent qu’à retarder de deux ans la concession du chemin de fer, dont l’établissement fut autorisé par le Parlement, à la fin de 1828.

Dans la pensée des créateurs de l’entreprise, le chemin de fer de Liverpool à Manchester ne devait être consacré qu’au transport des marchandises.

Liverpool, situé sur la Mersey, près de son embouchure dans la mer d’Irlande, est le port d’Angleterre où viennent débarquer le plus grand nombre de bâtiments partis du Nouveau Monde, et Manchester est la grande cité manufacturière où se fabriquent les mille tissus formés des provenances de l’Amérique. Les convois innombrables de marchandises qui, en tout temps, sillonnent cette route, devaient fournir une ample ressource à l’exploitation du futur railway. Aussi l’idée n’était-elle venue à personne d’appliquer ce chemin au service des voyageurs. Il devait être desservi par des chevaux.

Au commencement de l’année 1829, le chemin de fer étant sur le point d’être terminé, les directeurs songèrent à fixer le genre de moteur qui serait adopté pour son service.