Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Londres, sont priés de se rendre à l’hôtel du Cygne noir dans Holburne, à Londres, ou dans Cockney-Street à York ; ils y trouveront une diligence qui part les lundi, mercredi et vendredi, et accomplit le voyage entier en quatre jours si Dieu le permet. »

Il fallait donc quatre jours pour franchir la distance d’environ soixante lieues qui sépare Londres d’York.

En Écosse, à la même époque, toutes les marchandises étaient transportées à dos de cheval.

En 1750, la voiture publique qui faisait le service entre Édimbourg et Glasgow, distants seulement de seize lieues, employait un jour et demi à ce trajet.

En 1763, il n’y avait, entre Édimbourg et Londres, qu’une seule voiture, qui mettait quinze jours à faire le voyage.

L’importante route de Liverpool à Manchester, n’était pas placée dans de meilleures conditions, et les lignes suivantes du célèbre agronome, Arthur Young, l’auteur du Voyageur en France, du Voyageur en Irlande, etc., donneront une idée de son état de viabilité il y a seulement quatre-vingts ans.

« Je n’ai pas de termes, dit Arthur Young, pour décrire cette route infernale. J’engage très-sérieusement les voyageurs que leur mauvaise étoile pourrait conduire dans ce pays, à tout faire pour éviter cette maudite traverse, car il y a mille à parier contre un qu’ils s’y casseront le cou, ou pour le moins un bras ou une jambe. Ils y trouveront à chaque pas des ornières profondes de quatre pieds, et remplies de boue même en été. Je laisse à penser ce que ce doit être en hiver ! Le seul palliatif à un pareil état de choses consiste à jeter, dans ces trous, j’allais dire dans ces précipices, quelques pierres perdues dont l’effet est de secouer horriblement les voitures. Pour ma part, j’ai brisé trois fois la mienne sur ces dix-huit milles d’exécrable mémoire. »

Ce triste état des routes apportait les plus grands obstacles au commerce du pays. Le roulage était d’une lenteur insupportable, et il tenait ses tarifs à un taux si élevé, que l’on ne pouvait y avoir recours que pour des produits offrant beaucoup de valeur sous un faible volume. Le prix des transports de Liverpool à Manchester, par exemple, était de 50 francs par tonne, ce qui représente 90 centimes par kilomètre, ou quatre fois le prix actuel du roulage en France. Il résultait de là que les marchandises lourdes ou encombrantes, telles que le fer ou la houille, ne pouvaient être utilisées que sur les lieux de production, toutes les fois qu’elles ne se trouvaient pas à proximité d’une rivière navigable.

Aussi la plupart des gisements houillers restaient-ils improductifs par suite de ce défaut de voies de communication.

Telle était, par exemple, la condition où se trouvaient les vastes houillères que le duc de Bridgewater possédait à Worseley, à trois lieues de Manchester, et qui restaient inexploitées faute de voies praticables.

Dans ces circonstances, le duc de Bridgewater, homme de savoir et de résolution, entreprit de créer un nouveau système de transports. Secondé par l’habile ingénieur Brindley, il fit creuser le canal qui porte son nom, et qui constitue la première de ces voies de communication artificielles que l’Angleterre ait possédée.

Le plus grand succès couronna cette entreprise, et grâce aux nouveaux débouchés offerts aux produits de ses houillères, le jeune lord accrut considérablement sa fortune.

Excités par cet exemple, un grand nombre de propriétaires de mines firent appel aux capitalistes, pour de semblables entreprises, si bien qu’au bout de quelques années, le magnifique réseau fluvial qui couvre l’Angleterre était terminé dans presque toute son étendue : mille lieues de navigation artificielle étaient livrées à la circulation des marchandises.

L’état déplorable des routes de terre, encore aggravé par le système de péage que le gouvernement avait établi sur les routes améliorées par lui, rendait alors toute concurrence impossible contre la navigation des