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C’est là ce que l’auteur appelle le Système de la Méditerranée. Les chemins de fer figuraient au premier rang, parmi les moyens de communication qui devaient relier les divers points du Système de la Méditerranée.

M. Michel Chevalier présentait ensuite tout un plan de communication par les chemins de fer, entre les pays situés autour du bassin de la Méditerranée.

Le tracé des lignes des chemins de fer appartenant à la France, est assez nettement indiqué dans cet opuscule, à cette différence près, que les rameaux de nos chemins de fer actuels convergent vers Paris infiniment plus que ne semblait l’entendre l’auteur. M. Michel Chevalier, parle d’établir une communication du Havre à Marseille, par Lyon et Paris ; une autre de Paris à Mons et à Bruxelles ; une autre vers l’Est sur l’Allemagne ; une autre allant à Bordeaux par Orléans et se prolongeant vers Toulon, une autre enfin qui suivrait le cours de la Loire jusqu’à Nantes.

La plupart de ces projets ont été exécutés plus tard. L’auteur présentait des tracés analogues pour la Russie, et poussait audacieusement (dans sa brochure) les lignes ferrées jusqu’au fond de l’Asie.

Le Système de la Méditerranée est un opuscule curieux, dont on a souvent parlé sans le connaître : c’est pour cela que nous le signalons avec quelque soin, dans ce court historique. On ne peut y voir qu’une improvisation, pleine de verve, faite par un jeune talent, impatient de répandre au dehors le noble enthousiasme qui l’anime. Examiné de près, il perdrait tout au point de vue technique. On doit convenir seulement, que le fond des idées concernant les chemins de fer, est d’une justesse surprenante, pour une époque où cette question était encore si obscure[1].

Mais il ne suffisait pas de tracer dans un journal, les rameaux divers d’un réseau de communication embrassant tout un hémisphère. Il fallait écrire ce projet sur le sol ; il fallait mettre à exécution un tracé de chemin de fer.

C’est ce qu’entreprit de faire le premier Saint-Simonien, dont nous parlions tout à l’heure, M. Émile Péreire.

Le parcours de Paris à Saint-Germain, sembla à M. Péreire celui qu’il fallait choisir. Ce chemin avait l’avantage de n’exiger qu’un faible capital ; de pouvoir servir de tête à toutes les lignes qui devaient rayonner de Paris sur la Normandie et la Bretagne ; enfin de faire connaître les voies ferrées aux Parisiens, auxquels on devait demander plus tard, le principal concours financier pour l’exécution des grandes lignes.

Mais si l’on veut avoir une idée des préjugés et des répugnances qui existaient alors chez beaucoup d’hommes importants et éclairés de notre pays, contre les chemins de fer, il faut lire le compte rendu de la séance de la Chambre des députés, pendant laquelle fut présenté le projet de loi relatif à l’exécution du chemin de fer de Paris à Saint-Germain.

M. Thiers, alors ministre des travaux publics, bien qu’il revînt d’une tournée en Angleterre, où il avait vu fonctionner le chemin de fer de Liverpool à Manchester, déclarait, avec assurance, que les chemins de fer ne sauraient s’appliquer à de grandes lignes de communication ; que jamais ils ne pourraient relier avec avantage des centres de population séparés par de grandes distances. Il accordait seulement que « les chemins de fer présentent quelques avantages pour le transport des voyageurs, en tant que l’usage en est limité au service de certaines lignes fort courtes, aboutissant à de grandes villes, comme Paris ».

  1. M. Michel Chevalier est revenu plus tard, en homme pratique, sur la question des chemins de fer. Son ouvrage sur les Voies de communication aux États-Unis a fait connaître à la France une foule de résultats techniques obtenus en Amérique, concernant la question des chemins de fer, et dans son livre Des intérêts matériels en France, publié en 1842, il a donné un plan exact et parfaitement étudié, du réseau français, tel à peu près qu’il existe de nos jours.