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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/339

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tive qui remorque une charge de 570 tonnes avec une vitesse de 20 kilomètres par heure, sur une voie horizontale, ne traîne, avec la même vitesse, qu’une charge de 270 tonnes sur une pente de 5 millièmes ; de 120 tonnes sur une pente de 15 millièmes ; de 20 tonnes sur une pente de 50 millièmes.

Dans la construction des premiers chemins de fer, les ingénieurs n’osaient encore admettre que des pentes de 5 millièmes au maximum, et telle est encore aujourd’hui la limite adoptée pour les lignes qui ne traversent pas des pays très accidentés. Mais, dans quelques cas, on la dépasse aujourd’hui sans difficulté. Ainsi, le chemin de fer de Strasbourg offre deux rampes inclinées de 8 millimètres sur un parcours de 20 kilomètres. Sur quelques chemins de fer anglais, on rencontre des pentes qui dépassent 11 millimètres. Le chemin de fer de Paris à Orléans monte, au sortir d’Étampes, sur le plateau de la Beauce, par une rampe d’une longueur de 6 kilomètres, en s’élevant de 50 mètres sur ce parcours, ce qui donne une pente de 8 millièmes.

On redoute les pentes trop fortes non seulement à cause de la difficulté que la locomotive éprouve à les gravir, mais encore parce que, sur ces pentes, il est très difficile de contenir les convois dans la descente. Toutefois, il y a ici une circonstance qu’il ne faut pas oublier : c’est la résistance de l’air. Il est, en effet, reconnu aujourd’hui, que sur une pente de 10 millimètres par mètre, en ligne droite, la résistance de l’air devient telle, à la vitesse de 60 à 70 kilomètres à l’heure, que les convois abandonnés à eux-mêmes ne peuvent la dépasser. Cette énorme résistance de l’air aide les freins à arrêter les convois. Les accidents qui résultent de cette cause, n’arrivent donc guère que lorsque, par un hasard quelconque, un ou plusieurs wagons se trouvent préalablement poussés sur une pente un peu forte, puis abandonnés à eux-mêmes.

Sur le chemin de fer de Versailles à Paris, un train tout entier, chargé de voyageurs, fut, un jour, chassé par le vent, sur une pente de 10 millimètres, à la sortie de la gare de Versailles. Ce train se mit à descendre vers Paris, au grand effroi des voyageurs, avec une vitesse toujours croissante. Heureusement un habile mécanicien, M. Caillet, se mit aussitôt à faire la chasse au train échappé. Monté sur une locomotive, il courut après le train fugitif, et parvint à le rattraper. Alors il le suivit docilement, s’accrocha au dernier wagon, et arrêta le train, qu’il réussit à ramener à la gare.

Un autre jour, sur le chemin de Lausanne à Morges, un train de ballast s’échappa de la gare de Lausanne, et tombant, comme une bombe, dans la gare de Morges, y brisa tout ce qui se trouvait sur son passage.

Sur le chemin de fer du Sommering, un train chargé de matériaux, se détacha et roula en arrière. Il faillit tuer quarante ouvriers qui travaillaient dans le souterrain. Heureusement les travailleurs l’entendirent venir, et eurent le temps d’élever sur la voie une barricade, contre laquelle vint s’arrêter le monstre dans sa course effrénée.

Des désastres ont été occasionnés, sur le chemin de Prague et sur celui de Lyon, par la rencontre de trains de voyageurs avec des wagons chargés de matériaux qui s’étaient échappés de la gare le long d’une pente, et que leur poids poussait dans une direction opposée à celle des trains.

C’est un vrai miracle que les désastres de ce genre ne soient pas plus fréquents, car il arrive assez souvent que des wagons isolés s’échappent des gares, et descendent avec vitesse le long des pentes, entraînés par leur poids.

Les circuits ou les courbes, qu’on est obligé de décrire pour éviter des obstacles naturels, sont une cause de danger, car les wagons lancés le long de cette courbe sont chassés contre le rail, par la force centrifuge qui tend à les jeter hors de la voie.