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Expliquons, sans interrompre notre exposé, ce que c’est, au juste, que la force centrifuge.

Tout le monde sait que tout mouvement circulaire développe une force qui tend à écarter le mobile du centre de l’orbite qu’il parcourt.

On peut s’assurer de cet effet en montant sur le cheval de bois d’un carrousel de foire. Quand la machine a été mise en mouvement, on est obligé de se pencher du côté intérieur, pour ne pas être lancé hors du cercle, par la poussée considérable qui s’exerce du centre vers la circonférence. C’est la même pression qui permet aux écuyers du cirque, de se tenir librement sur le flanc d’un cheval lancé ventre à terre, et qui fait le tour du manége : la force centrifuge les presse contre le cheval et les empêche de tomber, lorsque, bien entendu, ils se placent du côté du cheval qui répond à l’intérieur du cercle décrit.

C’est cette même force qui fait dérailler les wagons au tournant d’une courbe de trop petit rayon, ou, qui du moins, produit toujours une résistance nuisible. Cette résistance devient d’autant plus considérable que la courbure de la route est plus prononcée et la vitesse du train plus grande.

Nous avons déjà dit que, pour éviter les déraillements, on s’est vu obligé de rendre solidaires les roues jumelles des wagons de chemins de fer. Cette solidarité qui oblige les roues à faire toutes les deux le même nombre de tours, s’oppose à l’emploi de courbes très-prononcées. Il est clair, en effet, que, dans une voie courbe, le rail intérieur étant plus court que le rail extérieur, la roue intérieure tourne moins vite que la roue extérieure. Il en résulte que la roue extérieure patine, selon le terme technique, c’est-à-dire qu’elle est en partie traînée sur le rail, tandis que, sur les routes ordinaires, les deux paires de roues peuvent, sans inconvénient, tourner avec des vitesses inégales, puisqu’elles sont indépendantes.

Une route ordinaire peut tourner court, on peut lui donner des courbures de 30 mètres de rayon, tandis que les courbes des voies ferrées ne doivent pas offrir des rayons de moins de 500 mètres ; on va même volontiers à 800 et 1 000 mètres. Les courbes de 200 à 300 mètres de rayon, ne sont, en général, tolérées que dans le voisinage des gares, où la vitesse des convois est toujours considérablement ralentie.

Sur plusieurs chemins d’une certaine importance, construits récemment en France et en Suisse, on a néanmoins adopté en quelques points, par des raisons d’économie, des rayons de 300 mètres. Mais alors on est forcé de ralentir le train au passage de ces courbes. La vitesse ne doit pas y dépasser 30 kilomètres par heure. Pour 200 mètres, il faudrait la réduire à 20 kilomètres par heure, pour 100 mètres, à 10 kilomètres par heure. On perdrait donc l’avantage le plus clair de la locomotion par la vapeur, et le service deviendrait, en même temps, fort dangereux.

Il est vrai, que la Compagnie du chemin de fer de Paris à Strasbourg a exploité, pendant quatre mois, sans accident, l’embranchement de Metz à Forbach, sur la voie exécutée provisoirement autour de la montagne du Heinberg, qui contenait une rampe de 6 millimètres et des courbes de 150 mètres de rayon seulement. Mais les machines marchaient au pas ; elles éprouvaient et elles faisaient éprouver à la voie, une fatigue excessive.

En Allemagne, on adopte aussi des courbes de très-faible rayon. C’est ainsi que sur la ligne rhénane, on rencontre des courbes d’un rayon compris entre 376 et 158 mètres sur un parcours de 32 kilomètres. Il y a même, sur l’embranchement de Cologne à Minden, une courbe de 150 mètres de rayon seulement. Enfin, des courbes d’un rayon moindre que 376 mètres et qui descend jusqu’à la limite inférieure de 188 mètres, se rencontrent sur