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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/378

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ayant besoin de nettoyage et de vérification, réattelée immédiatement à un autre en parfait état d’entretien, la même chaudière serait, par la continuité de son service, soustraite aux détériorations produites par les effets sur le métal des variations de température. Le charbon des allumages successifs et celui brûlé pendant les temps d’arrêt pour nettoyage et vérification se trouverait économisé ; une partie des dépôts qui se forment principalement au moment du refroidissement du liquide serait ainsi évitée. Le capital consacré à l’acquisition des locomotives et à leur entretien serait considérablement diminué.

« L’adhérence de nos roues motrices horizontales, puisée dans la seule résistance du convoi, permet aux essieux moteurs de tourner constamment sans un minimum de pression, par conséquent avec la moindre force perdue dans les frottements d’axe. Notre système jouit seul de cet avantage. Il en est tout autrement des essieux moteurs des locomotives actuelles ; ceux-ci tournent toujours sous un maximum de frottement, puisqu’ils supportent incessamment la partie du poids de la locomotive qui leur est affectée pour l’adhérence des roues sur les rails, soit que la locomotive chemine seule, soit qu’elle traîne un lourd convoi ! Par notre dispositif, emprunté à la pince du banc à étirer, les choses se passent autrement ; la résistance du convoi étant la cause unique du serrage de nos roues motrices contre le rail intermédiaire, elles tournent sous un frottement d’axe minimum, puisque l’effort de rapprochement reste constamment en équation avec la résistance même des wagons traînés qui le produit. Tous les progrès de l’art de la construction peuvent, par un tel système, être utilisés au profit de la légèreté du moteur.

« La locomotive, avant de rien remorquer, doit se transporter elle-même ; aussi notre intelligence souffre vivement lorsque nous voyons les fortes rampes admises dans les tracés nouveaux franchis par le seul poids de lourdes machines, dont la plus grande partie de la puissance est absorbée par leur propre ascension.

« Messieurs, les conditions économiques d’établissement et d’exploitation des chemins de fer du troisième réseau exigent évidemment des innovations capitales. Le mode de traction actuel, par le fait seul du poids des locomotives, doit être remplacé ; il entraîne trop de frais dans l’établissement et l’entretien de la voie ; il amoindrit les profits de la traction par le transport de poids morts trop considérables[1]. »

Il y a dans le mécanisme adopté par M. le baron de Séguier, une disposition très-rationnelle. C’est que l’adhérence est toujours proportionnelle à la résistance ; en d’autres termes, que l’adhérence des roues contre le rail central, loin de rester constante, comme c’est le cas de nos chemins de fer actuels, s’accroît ou diminue, selon que le poids à traîner, c’est-à-dire le convoi, est plus ou moins considérable.

Ce résultat s’obtient par l’emploi du levier dit funiculaire. Les roues qui pressent le rail médian, sont fixées à l’extrémité d’une sorte de double pince, qui ressemble à une tenaille, avec ses deux longues branches et les petites branches de sa mâchoire. Les longues branches de la tenaille étant liées au convoi, plus le convoi est lourd, plus les roues motrices attachées à la mâchoire doivent mordre avec force sur le rail, et accroître l’adhérence.

Ainsi, plus la résistance à la traction s’accroît, plus s’accroît aussi l’adhérence.

Une autre disposition qui paraît également devoir être avantageuse dans la pratique, c’est la séparation que fait M. Séguier, de la chaudière à vapeur et du mécanisme. La chaudière et le système moteur, sont portés, chacun, sur un wagon différent.

Toutes ces particularités donnent au système de M. Séguier une excellente physionomie. Malheureusement il n’a pas encore obtenu la sanction de la pratique. Nous avons vu, dans le cabinet de l’honorable académicien, un modèle en bois, de 3 mètres de long, du châssis du wagon porteur de la pince, ou levier funiculaire. D’après ce qu’a bien voulu nous dire M. Séguier, un ingénieur éminent, M. Duméry, s’occuperait, depuis plusieurs années, de construire une locomotive destinée à mettre en évidence tous les bons résultats promis.

Voilà tout ce que nous pouvons communiquer à nos lecteurs sur ce chapitre.

Ce qui nous frappe dans les idées de M. le baron Séguier, c’est qu’il prétend appliquer le système du rail médian à toute ligne de chemin de fer, non-seulement pour remonter et descendre les pentes, mais pour courir sur

  1. Comptes rendus de l’Académie des sciences, séance du 26 mars 1866.