Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/381

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Les gouvernements de France et d’Italie ne tardèrent pas à accorder l’autorisation nécessaire à cette grande expérience.

Le réseau des chemins de fer qui relient la France à l’Italie, présente une interruption de 77 kilomètres, entre Saint-Michel en France, et Suse en Piémont. Les diligences mettent 10 à 12 heures à faire ce trajet, sur une route de 10 mètres de largeur, qui offre une pente moyenne de 77 millimètres, et qui commence du côté de la France, à la hauteur de Lans-le-Bourg. Mais, outre l’inconvénient de l’interruption des voies ferrées, le passage de la montagne devient, dans l’hiver et au commencement du printemps, extrêmement difficile, à cause des neiges et de la glace qui s’accumulent sur la route. Les avalanches ajoutent encore aux dangers du passage. On est alors forcé de remplacer les diligences par des traîneaux, nom pompeux qui signifie seulement diligences sans roues, traînées sur la neige par des chevaux. La durée du passage de la montagne est alors livrée à tous les hasards des événements et du temps.

Au mois de mars 1865, nous avons passé le Mont-Cenis, pour revenir d’Italie en France. L’énorme accumulation des neiges, le voyage fait en pleine nuit, sur le faîte de précipices épouvantables, l’insouciance des postillons commis à la direction des prétendus traîneaux, tout cela a mis sous nos yeux avec une triste éloquence, les dangers du passage de cette montagne à l’époque des neiges, et la nécessité de supprimer, au plus vite, sur les sommets alpestres ce mode de transport périlleux et arriéré.

C’est pour éviter ce passage, que l’on est en train, comme nous l’avons dit, de creuser le fameux tunnel du Mont-Cenis, ou pour mieux dire du mont Tabor, dont nous avons parlé dans un chapitre précédent. Mais ce tunnel ne sera probablement pas terminé avant l’année 1872 environ.

Dans ces circonstances, on a pensé à devancer l’ouverture du tunnel des Alpes, par l’établissement d’une voie ferrée, sur les flancs mêmes du Mont-Cenis, et d’y essayer le système du rail central.

MM. Brassey et Fell, au nom d’une compagnie anglaise, ont proposé aux gouvernements français et italien, de construire un chemin de fer à rail central, entre Saint-Michel et Suse, en attendant l’achèvement de l’immense souterrain du chemin de fer. Ils ne demandaient, d’ailleurs, aucune subvention, car la compagnie qui se charge de la construction de cette route, compte en tirer des bénéfices suffisants, pendant le temps que prendra encore le percement des Alpes ; peut-être même après l’ouverture du tunnel, car beaucoup de voyageurs préféreront le voyage en plein air, à la traversée du sombre et long corridor percé dans la masse de la montagne.

Nous n’avons pas besoin de dire que les locomotives ordinaires n’auraient jamais pu gravir ces pentes, qui atteignent quelquefois 80 millimètres et plus, ni tourner dans ses fortes courbures. La locomotion au moyen du rail central, s’appliquait donc admirablement dans ce cas.

La ligne d’essai, qui a été construite de 1864 à 1865, est située entre Lans-le-Bourg et le sommet du Mont-Cenis. Elle commence à la hauteur de 1 622 mètres au-dessus du niveau de la mer, et se termine à une élévation de 1 773 mètres, ce qui fait une différence de niveau de 151 mètres, pour une longueur d’environ 2 kilomètres, ou, comme on dit, de 75 millièmes. La voie tourne en angle aigu, et réunit les deux zig-zags de la rampe, par une courbe de 40 mètres de rayon seulement. Excepté en ce point, la voie ferrée est placée sur le côté extérieur de la grande route, occupant de 3 à 4 mètres de sa largeur, et laissant au moins 6 mètres libres, pour la circulation des voitures, charrettes et diligences, ce qui est parfaitement suffisant pour le trafic actuel. En outre, la clôture du chemin de fer s’interposant entre la route libre