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et le précipice, assure une sécurité plus grande aux diligences qui font le trajet. Les chevaux et les mulets s’habituent rapidement au passage des trains. On peut dire, du moins que, pendant six mois de circulation, aucun accident ne s’est encore produit. D’ailleurs le mouvement ne peut que diminuer sur la route ordinaire après l’ouverture du nouveau chemin de fer. Il est donc à prévoir que la largeur de la route libre sera plus que suffisante.

Comme on a choisi pour cette ligne d’essai, le point le plus difficile de la route du Mont-Cenis, les résultats seront tout à fait concluants pour l’avenir du nouveau système.

La voie a été éprouvée en ce qui concerne les mauvais temps, les neiges et les tourmentes atmosphériques.

Contre toute attente, l’adhérence des roues s’est trouvée meilleure en hiver qu’en été. Quand la neige a été enlevée des rails, elle les a nettoyés, elle les laisse secs et parfaitement propres, tandis que pendant la saison d’été la poussière et l’humidité les rendent gras.

La pente moyenne de la ligne entière, de Saint-Michel à Suse, n’est que d’environ 40 millièmes ; la pente maximum est de 83 millièmes. On se propose d’appliquer le rail central partout où la pente dépasse la moyenne de 40 millièmes. Sur les 2 kilomètres de la ligne d’essai, il y a 850 mètres en courbe, dont la moitié à rayons inférieurs à 80 mètres ; mais sur la ligne entière, la proportion des parties courbes sera beaucoup moindre.

Les neiges qui obstruent la route pendant l’hiver, ont forcé de couvrir une partie de la voie : environ 12 ou 15 kilomètres. Sur une longueur de 5 kilomètres, on s’est contenté d’une couverture en bois, parce que la neige n’y atteint ordinairement qu’une épaisseur peu considérable. Sur 7 kilomètres, on construira des couvertures en bois et en fer. Enfin les trois derniers kilomètres, qui sont exposés aux avalanches, seront abrités par de fortes voûtes, en maçonnerie.

La dépense de déblaiement de la route actuelle, est de 12 000 francs par an, elle est de 32 000 francs pour la route du Saint-Gothard. Ce chiffre d’entretien donne une idée de la quantité de neige qui, chaque hiver, tombe sur ces abrupts sommets. Mais, grâce aux couvertures établies dans les endroits difficiles, la neige gênera très-peu le service de la voie ferrée. Les locomotives pourront, d’ailleurs, pousser elles-mêmes, le cas échéant, des charrues à neige.

Pendant l’été de 1865, deux locomotives du système de M. Fell furent essayées sur la ligne du Mont-Cenis. L’une était celle qui avait été employée à Whaley-Bridge, l’autre une machine perfectionnée, du même poids que la première, et dans laquelle les mécanismes qui agissent sur les roues verticales et sur les roues horizontales, sont solidaires, ce qui simplifie beaucoup le jeu des organes.

Avec la première machine le capitaine Tyler constata qu’on remontait facilement la ligne de 2 kilomètres, en 8 minutes, avec un train composé de trois wagons, d’un poids total de 16 tonnes. La vitesse moyenne qui résulte de ces essais est de 13 kilomètres à l’heure, au lieu de 12 kilomètres, vitesse maximum prévue dans le projet d’établissement de cette voie.

Avec la seconde machine, on atteignit une vitesse de 11 kilomètres, en remorquant un train de cinq wagons, pesant, avec la machine, 42 tonnes, et on dépassa 14 kilomètres à l’heure, en réduisant le train à 3 wagons (poids total 33 tonnes). À la descente, grâce aux freins employés, la vitesse ne dépassa pas 10 kilomètres.

Ces expériences suffisaient pour démontrer l’excellence du système de M. Fell, et la possibilité d’adopter pour les lignes de montagnes, des pentes de 60 à 80 millièmes.

Sur le rapport d’une commission spéciale