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rendre l’occlusion plus complète, le bord libre de la lanière de cuir reposait sur une entaille creusée dans la rainure, et cette entaille était remplie elle-même d’un mastic résineux. Après le passage de la tige de communication, une roue de bois, adaptée au wagon directeur, comprimait fortement la lanière de cuir contre sa rainure, et la replaçait dans la position qu’elle occupait auparavant. La faible chaleur développée par cette compression avait pour effet de rendre le mastic plus fluide et de faciliter ainsi l’adhérence qu’il provoquait entre la bande de cuir et le métal. Dans l’origine, on avait même ajouté au rouleau compresseur un fourneau en grillage rempli de charbons incandescents, qui fluidifiaient le mastic sur leur passage ; mais cet engin, assez ridicule, fut bientôt supprimé.

Cet ingénieux système fut essayé pour la première fois en France, en 1838. MM. Clegg et Samuda en firent exécuter les essais à Chaillot et au Havre, sur un petit chemin de fer d’épreuve.

L’invention, alors dans son enfance, fit peu de bruit et n’éveilla guère que des critiques. On ne croyait pas à la possibilité de maintenir le vide dans un tube de plusieurs kilomètres, incessamment ouvert et refermé par une tige qui le parcourait avec une vitesse excessive. Les hommes pratiques avaient de la peine à considérer d’un œil sérieux cet immense conduit, ce mastic fondu et ce réchaud voyageur. Mais les inventeurs ne perdirent pas courage. Après avoir avantageusement modifié la confection de leurs appareils, ils établirent aux portes de leurs ateliers, à Wormwood-Scrubs, non plus un modèle de petite dimension, mais un véritable chemin de fer de la longueur de près d’un kilomètre, offrant une pente sensible dans une partie de son parcours. Une pompe pneumatique, mise en action par une machine à vapeur de la force de seize chevaux, opérait le vide dans le tube. Les wagons étaient entraînés avec une vitesse de dix à douze lieues par heure.

Le public, qui fut admis à prendre place dans les voitures, accueillit avec faveur les essais de ce curieux système. Cependant quelques hommes de l’art se montrèrent plus difficiles, et déclarèrent que l’invention ne pouvait être prise au sérieux.

MM. Clegg et Samuda réclamèrent vainement contre la sévérité de cet arrêt. Ils ne purent réussir à trouver à Londres le plus faible appui. Mais l’Irlande, encore à peu près dénuée de chemins de fer, avait intérêt à accueillir les découvertes nouvelles : elle offrit aux inventeurs un théâtre favorable à l’expérimentation de leurs idées. En 1840, M. Pim, trésorier de la compagnie du chemin de fer de Dublin à Kingstown, sur la foi des expériences dont il avait été témoin, proposa aux actionnaires de sa compagnie d’établir, à titre d’essai, le système atmosphérique à l’une des extrémités du chemin de Dublin, entre Kingstown et Dalkey.

Pour encourager cet essai, le gouvernement anglais accorda aux inventeurs un prêt de 625 000 francs, destiné à faire face aux premiers frais de l’entreprise.

Le chemin de fer de Kingstown à Dalkey fut terminé le 19 août 1843. On se mit aussitôt en devoir de procéder au premier voyage d’essai. Un convoi composé de trois voitures chargées de plus de cent personnes, fut placé à la tête de la ligne, et le vide ayant été opéré par les machines, il fut abandonné à lui-même.

On lira peut-être avec intérêt le récit, donné par le Morning-Advertiser, de cette première expérience qui eut en Angleterre un grand retentissement.

« Trois voitures, dit ce journal, furent placées à la station de Kingstown. À la première étaient attachés le piston qui se meut dans le tube et une mécanique pour modérer la vitesse du train et s’arrêter à Dalkey ; une mécanique de cette sorte fut aussi attachée à la deuxième voiture, qui contenait un grand nombre d’ouvriers ; la troisième était réservée aux directeurs et à leurs amis : en tout, plus de cent personnes. Tout le monde était curieux de savoir le résultat du premier voyage.