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chapelle du roi, dont la situation physique était connue, devaient être les sujets de cette épreuve d’un nouveau genre.

On forma donc une chaîne, composée de vingt personnes : le duc de Chartres en tête d’un côté, et de l’autre le physicien. Mais les trois sujets n’interceptèrent aucunement le passage du fluide, ni la commotion électrique. Ils parurent même plus sensibles à son impression que les autres personnes qui l’éprouvèrent avec eux. Cet excès de sensibilité provenait sans doute de la surprise que dut occasionner à nos trois virtuoses une commotion qu’ils n’avaient jamais ressentie, car ils étaient restés jusque-là sans aucune idée de l’électricité.

Une expérience aussi concluante semblait devoir terminer cette singulière discussion. Mais il se trouva de grands raisonneurs qui prétendirent qu’il fallait poser une distinction entre les personnes mutilées par l’art, et celles envers lesquelles la nature seule s’était montrée marâtre ; de sorte que, les premières pouvant demeurer sensibles à l’électricité, il était bien possible que les secondes fussent impropres à éprouver son action. Comme il était difficile de se procurer un sujet qui se trouvât positivement dans le cas exigé, et qui voulût se prêter à l’expérience, la discussion reprit de plus belle sur ce thème engageant.

Ce ne fut qu’au bout de six mois que tout finit par s’expliquer. Sigaud de la Fond reconnut, un peu tard sans doute, mais enfin il reconnut, que, dans la partie de la cour du collége où l’expérience avait été faite, et à la place même qu’avait occupée le jeune homme suspecté, l’humidité du sol était considérable, et avait suffi pour détourner le courant électrique. En effet, la même expérience, répétée en cet endroit, échouait toujours, quelle que fût la personne occupant cette place ; la commotion se faisait au contraire parfaitement sentir quand on faisait monter les élèves sur les bancs.

Ainsi tout fut expliqué, justice fut rendue à l’élève incriminé, et en attendant qu’ils fussent proclamés égaux devant la loi, tous les hommes furent reconnus égaux devant l’électricité.



CHAPITRE V

expériences pour montrer la vitesse de transport de l’électricité et de la commotion électrique. — essais de lemonnier en france. — expériences des physiciens anglais martin folckes, cavendish et bevis. — modifications apportées à la bouteille de leyde. — expériences diverses de l’abbé nollet. — bevis change la disposition de cet appareil et lui donne sa forme actuelle.

Reprenons la suite des expériences qui furent exécutées en France, en 1746, avec la bouteille de Leyde. L’instantanéité de la commotion, et par conséquent l’étonnante vitesse de l’électricité, était le phénomène qui avait frappé le plus vivement les esprits. Des expériences furent donc entreprises, à cette époque, pour essayer de mesurer la vitesse de transport de l’agent physique qui occasionne ces effets.

Lemonnier, de l’Académie des sciences, fut l’auteur des premières recherches entreprises dans ce but. Dirigées avec beaucoup de sagacité, elles mirent en évidence la prodigieuse vitesse avec laquelle l’électricité se transporte d’un point à un autre.

Lemonnier commença par répéter les expériences de l’abbé Nollet sur la transmission du choc électrique à travers une chaîne composée d’un grand nombre de personnes ; mais il les varia et les étendit singulièrement.

Dans ses premiers essais, Lemonnier forma un cercle de personnes qui, au lieu de se tenir immédiatement par la main, se joignaient par des chaînes de fer, longues de trois ou quatre toises. Quelques-unes de ces chaînes traînaient à terre, d’autres plongeaient dans l’eau d’un baquet, d’autres enfin étaient enroulées autour de quelques grosses pièces de fer. En appliquant les conducteurs de la bouteille aux deux extrémités de cette espèce de