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Franklin montra ensuite qu’en mettant en contact les deux surfaces, interne et externe, de la bouteille de Leyde électrisée, les deux fluides se recomposent, et tout effet électrique disparaît.

« Placez, dit Franklin, une bouteille de Leyde électrisée sur de la cire pour l’isoler ; prenez un fil de fer qui ait la forme d’un c, de telle longueur qu’après lui avoir donné sa courbure on puisse faire toucher le fil d’archal de la bouteille par un de ses bouts et le bas de la bouteille par l’autre. Attachez-en la partie convexe à un bâton de cire d’Espagne qui lui servira comme de manche ; appliquez alors son bout d’en bas au fond de la bouteille, et approchez par degrés son bout d’en haut du fil d’archal qui est dans le liége : vous y verrez des étincelles se suivre de près jusqu’à ce que l’équilibre soit rétabli. Faites toucher d’abord le haut en approchant l’autre extrémité du fond, vous aurez un courant de feu continuel provenant du fil d’archal qui enfile la bouteille ; touchez le haut et le bas en même temps, et l’équilibre sera incontinent rétabli, le fil d’archal courbé formant la communication. »

Franklin mit le même résultat en évidence à l’aide d’une autre expérience assez élégante pour être rapportée ici. Elle avait pour résultat de montrer aux yeux le passage de l’étincelle électrique entre les deux surfaces différemment électrisées de la bouteille de Leyde mise en communication au moyen d’un mince filet d’or bordant la couverture d’un livre :

« Voici, dit Franklin, une jolie expérience qui rend extrêmement sensible le passage du feu électrique de la partie supérieure à la partie inférieure de la bouteille pour rétablir l’équilibre. Prenez un livre dont la couverture soit bordée de filets d’or ; courbez un fil d’archal de huit ou dix pouces de long dans la forme m, posez-le à l’extrémité de la couverture du livre sur le filet d’or, de façon que le coude de ce fil d’archal porte sur une extrémité du filet d’or et que l’anneau soit en haut, incliné vers l’extrémité du livre ; couchez ce livre sur du verre ou sur de la cire, et posez la bouteille électrisée sur l’autre extrémité des filets d’or ; alors courbez la partie saillante du fil d’archal en la pressant avec un bâton de cire d’Espagne jusqu’à ce que son anneau soit proche de l’anneau du fil d’archal de la bouteille, et à l’instant vous apercevez une forte étincelle et un choc, et tout le filet d’or qui complète la communication entre le haut et le bas de la bouteille paraît une flamme vive comme un éclair très-brillant. L’expérience réussira d’autant mieux que le contact sera plus immédiat entre le coude du fil d’archal et l’or à une extrémité du filet, et entre le cul de la bouteille et l’or à l’autre extrémité. Il faut faire cette expérience dans une chambre obscure. Si vous voulez que tout le contour des filets d’or sur la couverture paraisse en feu tout à la fois, faites en sorte que la bouteille et le fil d’archal touchent l’or dans les coins diagonalement opposés. »

Toutes ces expériences, d’une frappante simplicité, suffisaient pour établir la justesse de l’explication donnée par Franklin de l’état physique de la bouteille de Musschenbroek ; mais le physicien de Philadelphie, ne trouvant pas sans doute ces moyens de démonstration assez complets, se livre à de nouvelles recherches pour vérifier sa conjecture. Il décharge sa bouteille à travers le corps d’un homme isolé, et l’homme ne conserve après la décharge aucune trace d’électricité. Il isole le frottoir après avoir suspendu une bouteille au conducteur, et il ne peut réussir à la charger, quoiqu’il la tienne constamment avec la main, tandis qu’il la charge facilement lorsqu’à l’aide d’un fil métallique il fait communiquer sa surface extérieure avec le frottoir isolé. Franklin charge la bouteille avec la même facilité, soit qu’il présente l’enveloppe, soit qu’il présente le crochet au conducteur.

Les électriciens de l’Europe avaient observé qu’on ne peut jamais réussir à charger une bouteille de Leyde quand on la place sur un support isolant. La théorie de Franklin explique parfaitement ce fait : pour que le fluide naturel de la bouteille soit détruit par l’électricité positive arrivant de la machine, il faut que le fluide négatif, repoussé, puisse s’écouler dans le sol ; si la bouteille que l’on électrise est isolée, la route étant fermée au fluide négatif, ce dernier ne peut s’écouler dans le sol, et par conséquent l’électrisation de la bouteille est impossible.

Mais une des expériences les plus élégantes par lesquelles Franklin confirma toute la vérité de sa théorie est celle que l’on désigne sous le nom de charge par cascade.